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les opérations à longue échéance. Est-il étonnant que la valeur des terres ait monté rapidement, sous la double impulsion de ces intérêts combinés, si propres à mettre en lumière les qualités naturelles du sol ?

L’intervention de l’état paralyse les contrats ; l’inégalité des contractans est trop grande pour laisser à chacun sa liberté. Si l’état use de toute sa puissance, il dicte ses conditions au fermier ; s’il reste passif, il se laisse frustrer, il offre une prime à la fraude. Peut-il accepter les obligations qu’un pareil contrat mettrait à sa charge ? peut-il s’engager à réparer un hangar qui menace ruine, à renouveler tout un capital fixe, dont maint propriétaire accepte l’entretien ? peut-il suivre les conventions à travers les formes variées qu’elles empruntent ? Voyez cette ferme : pourquoi les travaux sont-ils languissans ? C’est que le propriétaire est malade ou absent ; il ne peut écouter les doléances de ses fermiers, élargir une écurie, commencer un drainage, arrondir un coin de terre ; l’état sera toujours ce propriétaire sourd et d’un abord difficile. Qui devra mesurer la somme à payer ? Aujourd’hui, cette mesure est le contrat lui-même, librement débattu entre les parties : le fermier n’en accepte les charges qu’en échange des profits certains ou imprévus ; quand le rendement de la terre vient à dépasser la moyenne des profits pendant la durée du bail, le contrat nouveau qui succède au premier tient compte de la différence et fait monter la rente ; la liberté du débat, les espérances du propriétaire mises en balance avec les intérêts du fermier, voilà les bases du forfait. Si le contrat s’évanouit, la rente est insaisissable : elle varie comme les circonstances économiques. Le percepteur se présente à la ferme et réclame un impôt double : le fermier se récrie ; on lui apprend que la récolte a été mauvaise en Crimée, qu’il vendra mieux son blé, et que le trésor en profite. L’état peut, il est vrai, maintenir jusqu’à une échéance fixe sa première évaluation ; mais encore faut-il qu’il en fasse une, et les termes du problème, qu’il est forcé de résoudre seul, ne cesseront de lui échapper, s’il ne veut pas d’une solution arbitraire. Par exemple, dans le prix des céréales, il devra distinguer la part des profits et la part des avantages naturels, il devra mesurer exactement l’influence de la population et de la richesse sur la plus-value des produits ! Où s’arrêteront ses calculs ? Si une loi de douane, comme l’impôt sur les matières premières, protège l’agriculture en écartant la concurrence des nations rivales, n’est-ce pas un avantage fatal où le travail du fermier n’entre pour rien ? L’état sera donc d’autant plus exigeant que ses lois seront plus protectrices, et reprendra d’une main ce qu’il donnait de l’autre. Il faut être logique, et ne laisser au fermier que le seul produit de