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Au contraire, réservez ces terres à l’exploitation de quelques privilégiés, retirez-les de la circulation, faites du revenu territorial l’excuse et le soutien d’une aristocratie ; aussitôt mille voix s’élèvent pour maudire un monopole qui absorbe sans dédommagement une grande partie de la richesse nationale. Supposez encore qu’une population active et commerçante, la plus riche du monde, s’élève en face de cette aristocratie, qu’elle juge de la fortune et du droit selon les règles du commerce, c’est-à-dire selon les risques qu’on court et la peine qu’on se donne ; vous comprendrez alors que la rente territoriale, immobilisée, tombe dans le discrédit, et que l’on écoute ceux qui osent l’attaquer.

Tel est le cas de l’Angleterre : dès qu’on passe la Manche, l’aspect de la culture, moins divisée, l’opulence des gros fermiers, l’état misérable des ouvriers agricoles, l’absence ou l’oisiveté des grands propriétaires, révèlent des mœurs et des institutions opposées. Ce sont là des faits connus. Sur l’héritage d’un simple gentleman farmer, on peut juger de tout le territoire ; toutes les maisons du village lui appartiennent, l’église est dans son parc, l’école auprès de l’église. Parmi les petits tenanciers, plusieurs vivent de la charité du maître ; les humbles marques de respect qui l’attendent sur son passage paraîtraient serviles à un Français. Quant aux paysans riches, on peut s’étonner qu’ils soient aussi dédaigneux de la terre ; il semble qu’ils achèteraient avec elle un peu d’indépendance. Au fond, le fermier ne se soucie guère d’acquérir un sol dont la possession n’ajouterait presque rien au bénéfice considérable de son industrie : l’achat du monopole coûterait plus cher qu’il ne rapporte ; dans un grand nombre de domaines, il serait tout à fait impossible. Les ouvriers, exploités par le fermier comme le sol lui-même, ne profitent pas davantage de la fécondité des terres et de la hausse des prix ; la rente va remplir les coffres du propriétaire et entretenir des loisirs qui ne sont pas toujours utiles à la chose publique.

Survienne un économiste anglais accoutumé à raisonner sur la propriété mobilière, qui fournit à l’Angleterre le plus clair de ses revenus : il verra aux mains du fermier tout ce que la culture peut donner de gain légitime, et sera forcé de proscrire la rente, ou de la défendre par des motifs de pure politique. Peut-il revendiquer pour elle les déplacemens rapides qui la font passer de main en main, et l’assimilent peu à peu au revenu d’un capital ordinaire ? Un droit d’aînesse encore florissant, des majorats toujours respectés, maintiennent une partie des terres entre les grandes familles ; le domaine est un apanage pour l’héritier du nom, qui se contente de la rente territoriale, et ne cherche pas à tirer de la terre tout ce qu’elle peut donner. Ajoutez que la fortune mobilière va souvent compenser chez les frères puînés le désavantage de la naissance, et