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VALROGER

Parce que la folie est contagieuse.

LOUISE

Et je deviendrai folle, moi ?

VALROGER

Ne vous fiez pas au passé.

LOUISE

Vous savez bien que je n’en tire pas vanité. Pourtant ce qui est passé est acquis.

VALROGER

Non ! vous l’avez dit vous-même, votre vertu a été aidée par l’absence de péril. Pourtant vous avez dû allumer des passions ; mais il y a à peine un homme sur mille qui soit doué d’assez de persévérance pour consacrer des mois et des années à la conquête d’une femme… Or je sais, je vois que vous n’avez pas rencontré cet homme-là.

LOUISE

Et vous vous piquez de l’être ?

VALROGER

Je le suis.

LOUISE

Ça vous amuse ?

VALROGER

C’est mon unique amusement.

LOUISE

Vous êtes né hostile et vindicatif, comme on naît poète ou rôtisseur ?

VALROGER

Le bonheur de l’homme est de développer ses instincts particuliers.

LOUISE

Même les mauvais ?

VALROGER

Enfin vous reconnaissez que je suis mauvais ?

LOUISE

C’est à quoi vous teniez ? Vous vouliez faire peur ; sans cela vous croyez votre effet manqué, et la confiance vous humilie. C’est une manie que vous avez, je le vois bien ; avec moi, elle ne sera pas satisfaite. Je vous crois bon.

VALROGER

Vous éludez la question. Si je suis tel que je m’annonce, vous devez me haïr.

LOUISE

Et vous voulez être haï ?