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me demander d’où je tenais ces renseignements ; on m’avait dit que vous étiez méchant.

VALROGER

Méchant ! Voilà un mot terrible. Voulez-vous me l’expliquer, madame ?

LOUISE

Je ne puis vous l’expliquer que comme je l’entends. Un méchant, c’est un cœur haineux, et on vous accusait de haïr les femmes.

VALROGER

Comment peut-on haïr les femmes ?

LOUISE

C’est les haïr que de les rechercher pour le seul plaisir de les compromettre. Les compromettre, c’est leur faire perdre l’estime et la confiance qu’elles méritaient, c’est leur faire le plus grand tort et le plus grand mal : voilà ce que c’est qu’un méchant.

VALROGER

Très bien. Et une méchante, qu’est-ce que c’est ?

LOUISE

C’est la même chose. C’est une coquette au cœur froid.

VALROGER

Voilà une bizarre aventure, madame de Louville ! On m’avait dit à moi que vous étiez une méchante dans le sens que vous donnez à ce mot !

ANNA, s’échappant.

Moi ?

VALROGER, s’apercevant de la mystification.

Vous ? (À part). Bien ! ces dames s’amusent à mes dépens ! (Haut à Anna.) Oh ! vous, madame de Trémont, vous passez à bon droit, j’en suis certain, pour une femme sincère et indulgente ; mais elle, votre amie, madame de Louville, qui vient de si bien définir la méchanceté, elle est réputée méchante comme Satan !

ANNA

Eh bien ! voilà une belle réputation ! mais c’est indigne !… Je… (À Louise.) Tu ne te fâches pas ?

LOUISE

Me fâcher de cela serait avouer que je le mérite.

ANNA

Mais monsieur l’a cru, il le croit sans doute encore ?

LOUISE

Dame ! qui sait ? c’est à lui de répondre.

VALROGER

Eh ! eh !