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ANNA

Quelle prétention ! Est-ce qu’il y a encore des sauvages au temps où nous vivons ? Il n’y en a même plus à Carpentras.

LOUISE

C’est pour ça qu’il y en a peut-être ailleurs. Tu ne veux pas me répondre ? C’est donc bien difficile ?

ANNA

C’est très aisé. Un homme qui compromet les femmes, c’est M. de Valroger.

LOUISE

Ça ne m’apprend rien ; je ne le connais pas.

ANNA

Tu ne l’as jamais vu ?

LOUISE

Où l’aurais-je vu ? C’est un astre nouveau dans le monde de Paris, dont je ne suis plus depuis mon veuvage.

ANNA

Eh bien ! moi qui habite ce château depuis deux mois, je ne connais pas non plus ce monsieur, mais mon mari le connaît ; il dit que c’est un vrai marquis de la régence.

LOUISE

Bah ! c’est une race perdue. M. de Louville s’est moqué de toi.

ANNA

Qui sait ? Je suis sûre qu’il me blâmerait beaucoup de le recevoir en son absence.

LOUISE

Alors tu as bien fait de le renvoyer ; parlons d’autre chose.

ANNA

Oh ! mon Dieu, rien ne nous empêche de parler de lui.

LOUISE

Nous n’avons rien à en dire, ne le connaissant ni l’une ni l’autre.

ANNA

D’autant plus que, si nous le connaissions, nous en dirions du mal.

LOUISE

Réjouissons-nous donc de ne pas aimer les épinards, car si nous les aimions…

ANNA, allant à une fenêtre et regardant.

Oh ! que tu as de vieilles facéties ! — Tiens, il est affreux !

LOUISE

Qui ?

ANNA

Lui, M de Valroger, ce beau séducteur ; il est très laid.