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« Voici à quel point d’audace ils en sont arrivés. Euctémon venait d’expirer ; son corps était là sur le lit, dans la maison. Leur première pensée fut de consigner les esclaves au logis pour qu’aucun d’eux n’allât annoncer cette mort aux deux filles, à la femme ou à l’un des parens du défunt ; puis, avec la femme, ils se mirent à emporter les meubles dans la maison contiguë, qu’avait louée tout exprès quelqu’un de leur bande, un certain Antidoros. Les filles et l’épouse finirent par apprendre le décès, elles se présentèrent, on ne les laissa pas entrer ; on leur ferma la porte, on leur dit que ce n’était point à elles d’ensevelir Euctémon. C’est à grand’peine que, vers le coucher du soleil, elles purent enfin pénétrer dans l’habitation. Elles y trouvèrent le cadavre qui, leur dirent les serviteurs, gisait là abandonné depuis déjà deux jours ; quant à ce que contenait auparavant la maison, tout avait été déménagé par ces gens-là. Les femmes, comme c’était leur devoir, ne s’occupèrent que du cadavre ; mais les autres parens firent aussitôt constater aux assistans l’état des lieux, et ils commencèrent par interroger les serviteurs pour savoir où avait été transporté tout le mobilier. Ceux-ci répondirent que tout avait été déposé dans la maison voisine ; on voulut exercer aussitôt, suivant la loi, le droit de suite sur les objets volés, et se faire livrer les esclaves qui avaient concouru à l’enlèvement des effets, ces gens se refusèrent à rien faire qui fût conforme à la justice. »


Ailleurs, à propos de l’héritage de Pirrhos, l’orateur parle des mariages que certains Athéniens se laissaient aller à conclure avec des femmes galantes. « On a déjà vu, dit-il, des jeunes gens, épris de telles femmes et désirant les posséder, ne plus être leurs propres maîtres, et dans leur folie commettre une pareille faute envers eux-mêmes ; » mais ces unions ne sont pas faites pour durer : aussi, dans ce cas, les parens de la femme ont-ils soin de lui faire reconnaître au moment du mariage une dot qu’ils pourront réclamer en son nom quand bientôt sonnera l’heure du divorce. C’est en quelque sorte le prix du marché. — Nous ne donnerons plus qu’un échantillon de l’un de ces récits qui, sous un air de bonhomie et de simplicité, cachent un si habile calcul. Il s’agit pour celui qui parle de démontrer que Ciron, dont il réclame l’héritage, a toujours eu pour lui et pour son frère tous les soins, toute l’affection d’un grand-père. Il cherche là une confirmation des preuves d’un autre ordre, appuyées sur des témoignages formels, qu’il a commencé par produire.


« Outre ces raisons, nous en avons encore d’autres à vous présenter pour vous faire connaître que nous sommes issus de la fille légitime de Ciron. En effet, comme il était naturel qu’il le fît pour des enfans fils de sa sœur, jamais il n’offrit un sacrifice, grand ou petit, sans nous y inviter ; nous étions toujours auprès de lui, et nous prenions parti à la