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accompagnés de demandes de subvention. Il y avait un arriéré de vœux et de réclamations qui trouvaient enfin l’occasion de se produire, sans compter la spéculation, qui est toujours à l’affût des entreprises nouvelles et qui ne devait pas manquer au rendez-vous. Des chemins de fer à construire et des départemens à exploiter, c’était un double bénéfice. Cependant les subventions de l’état étaient limitées par la loi à 6 millions par an, celles des propriétaires intéressés, sauf en Alsace et en Lorraine, étaient relativement peu empressées, et les conseils-généraux, tout en se montrant disposés à user du bénéfice de la législation nouvelle, hésitaient à s’engager dans de trop lourdes dépenses. La spéculation se vit ainsi plus ou moins contenue. Le gouvernement d’ailleurs n’accordait ses subventions et ne décrétait l’utilité publique qu’après avoir fait étudier par le conseil-général des ponts et chaussées les plans et devis. Voici la statistique des chemins d’intérêt local qui ont été approuvés depuis 1866. Ces chemins sont au nombre de 72, répartis entre 29 départemens. Ils mesurent ensemble 2,000 kilomètres, ce qui donnerait pour chacun d’eux une longueur moyenne de 28 kilomètres environ ; beaucoup ont un parcours moindre, mais quelques-uns dépassent 60 et même 80 kilomètres. L’évaluation de la dépense totale monte à 260 millions. Le chiffre des subventions allouées est de 110 millions, sur lesquels l’état fournit 34 millions, les départemens 63, et les propriétaires intéressés 13 millions. Les départemens qui ont le réseau local le plus étendu sont Eure-et-Loir (350 kilomètres), l’Eure (234), la Somme (159), l’Hérault (157), Saône-et-Loire (122).

Sans contester l’utilité de ces 2,000 kilomètres, il est permis de dire que la dépense évaluée, qui représente en moyenne 130,000 fr. par kilomètre, s’écarte des proportions économiques qui ont fait le succès des chemins d’Ecosse, et, si l’on examine en détail les concessions, on en trouve dont le coût kilométrique dépasse 220,000 francs. Cela vient de ce que la plupart des entrepreneurs tiennent à construire leurs voies de manière à recevoir le matériel de la grande ligne sur laquelle ils s’embranchent, avec la pensée qu’un jour ou l’autre la compagnie voudra bien les acheter. Quelques-uns ont évidemment l’intention d’étendre leur parcours et de préparer, d’accord avec des concessionnaires voisins, l’organisation d’un véritable service de chemins de fer. Avant d’exprimer une opinion définitive sur ces premiers chemins, il est juste d’attendre qu’ils aient été exploités : les produits diront si l’on a prudemment engagé le capital de 260 millions qui doit être dépensé. En tout cas, le caractère exclusivement vicinal de la loi de 1865 a été méconnu en ce qui concerne plusieurs de ces chemins qui, par la longueur