Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/870

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fructueuses. Enfin si le trésor n’était pas venu en aide, par des subventions et par des garanties d’intérêt, aux compagnies concessionnaires, s’il ne leur avait pas accordé et imposé tout à la fois une sorte de domaine d’exploitation où se confondent de bonnes et de mauvaises lignes, ces compagnies auraient obtenu moins de capitaux et moins de crédit.

Le régime inauguré sous le gouvernement de juillet, poursuivi et complété sous l’empire, a donc été avantageux pour le pays qui voulait des chemins de fer, économique pour le trésor qui ne pouvait porter tout le poids de la dépense, équitable pour les capitaux qui se sont engagés dans cette entreprise nationale. Faut-il ajouter que la propriété ainsi créée doit revenir un jour à l’état, après lui avoir remboursé les sommes allouées à titre de garantie d’intérêt, et que, pendant la durée des concessions, les chemins de fer rapportent annuellement une forte somme d’impôts et de bénéfices ? Les six grandes compagnies ont dressé un état qui établit qu’en 1870 elles ont versé au trésor plus de 56 millions d’impôts, et que la gratuité ou les réductions de tarifs stipulées dans les cahiers des charges pour le service des postes, les transports de militaires, etc., représentent une économie de 144 millions au profit de l’état. On peut objecter que l’impôt du dixième, qui a produit 33 millions, est payé par les voyageurs entre les mains des compagnies pour le compte du trésor, et que l’économie sur les transports militaires, chiffrée à 117 millions, n’a été aussi considérable que par suite de l’état de guerre. Cette économie n’en est pas moins acquise pour 1870, elle atteindra un chiffre presque égal pour 1871, et, quant à l’impôt du dixième, croit-on que le gouvernement pourrait le maintenir et même l’augmenter, comme il vient de le faire, s’il était chargé de percevoir directement le prix des places ? Il n’est point téméraire de penser que le désir de la popularité (on l’a vu en Belgique) l’entraînerait à diminuer les prix des tarifs au-dessous du taux rationnel, ou que la crainte de l’impopularité l’empêcherait de les élever. Le voyageur, c’est-à-dire le public, n’y gagnerait rien, car on lui ferait payer l’impôt sous une autre forme. Quoi qu’il en soit, les revenus, directs ou indirects, que l’état retire de l’organisation actuelle sont très importans pour le budget. Dans un rapport présenté à l’assemblée nationale, M. Arthur Legrand, basant son calcul sur 1869, année normale, les évaluait à 114 millions, soit à 7,000 francs par kilomètre, et à 17 pour 100 du capital des subventions allouées aux compagnies.

L’intérêt fiscal, si grave qu’il soit, demeure cependant très secondaire en regard des services que l’on doit obtenir des voies ferrées pour l’abondance, l’économie, la vitesse et la régularité des transports. L’état aurait-il construit plus de lignes qu’il n’en a fait