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réseau. Au point où l’on en est arrivé, serait-il avantageux et praticable de modifier cet état de choses ?

Si la Belgique, après avoir complété son réseau, jugeait que l’exploitation des chemins de fer doit être confiée à l’industrie privée, la transformation du régime actuel ne présenterait pas de graves difficultés et n’entraînerait aucune dépense. En vendant ses voies ferrées, elle procurerait au trésor un capital ; en les affermant, elle remplacerait par une redevance fixe les revenus variables que l’exploitation apporte à son budget ; mais en Angleterre ou en France il en serait tout autrement. Le rachat des chemins de fer coûterait de nombreux milliards ; où les trouverait-on ? La législation anglaise n’a pas prévu l’éventualité du rachat ; il serait donc nécessaire de procéder par une loi spéciale à l’expropriation d’une valeur énorme. Il est bien vrai que depuis deux ans, à la suite du rachat des télégraphes, opération qui a été très avantageuse pour les compagnies, un nombreux groupe d’actionnaires a eu l’idée de demander au parlement le rachat des voies ferrées. On a observé cependant sans la moindre surprise que ces actionnaires, si prompts à invoquer les plus graves considérations politiques et économiques, sont intéressés dans des lignes peu productives et même fort compromises ; l’expropriation serait pour eux un moyen commode de sauver leur capital. Il n’est pas probable que le parlement se laisse prendre à ces propositions, qui n’ont trouvé jusqu’ici aucun appui dans l’opinion publique, et qui sont en contradiction absolue avec les sentimens et les habitudes du caractère anglais. En France, le gouvernement a eu la prudence d’inscrire dans les titres de concessions le principe, les conditions et la date du rachat ; il pourrait, soit aujourd’hui, soit à une époque très prochaine, réclamer l’exécution de cette clause, et reprendre aux compagnies l’exploitation des chemins de fer. De divers côtés, on l’invite à se prévaloir de la faculté qu’il s’est réservée, et, pour mieux recommander cette mesure, on la rattache à des combinaisons patriotiques à l’aide desquelles on compterait obtenir plus promptement la libération du territoire. Faut-il le répéter ? il ne s’agirait de rien moins que d’une dizaine de milliards. Moins encore que l’Angleterre, la France pourrait surcharger à ce point sa dette intérieure, qui est déjà si lourde. Au point de vue financier, l’opération du rachat est réellement impraticable, surtout en ce moment. Ce serait donc perdre le temps que de la discuter. Il faut accepter, en l’améliorant autant que possible, le système qui résulte des conventions passées entre l’état et les compagnies.

Ce système est-il bon ou mauvais ? a-t-il atteint ou manqué le but que l’on se proposait, à savoir la création et l’extension du réseau ? La commission d’enquête parlementaire est condamnée à examiner de nouveau cette éternelle question ; que l’on apporte au seuil