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grande vitesse, les manufacturiers et les commerçans français préfèrent conserver les bas tarifs en acceptant de plus longs délais.

Les chemins de fer de l’état belge, qui comptent 11 wagons par kilomètre, présentent également des conditions toutes spéciales. En premier lieu, le réseau étant peu étendu, les distances à parcourir pour le trafic intérieur sont généralement assez courtes, et cette circonstance comporte l’emploi d’un grand nombre de wagons à cause du temps perdu dans les opérations de chargement et de déchargement. En second lieu, une grande partie des transports belges consiste en charbons, marchandise encombrante qui exige un matériel considérable. Enfin ces charbons sont expédiés en fortes quantités sur les territoires étrangers, en France ou en Allemagne, et les wagons qui les portent jusqu’à destination se trouvent ainsi enlevés pendant un temps plus ou moins long au service des lignes belges. Ainsi la comparaison entre la Belgique et la France, quant à l’effectif des wagons, ne saurait produire de résultats décisifs. Chaque pays a ses besoins, ses habitudes, son genre d’industrie et de commerce, qui déterminent la quantité et la qualité de l’outillage nécessaire. Il convient que les gouvernemens et le public observent tout ce qui se fait au dehors pour l’amélioration des moyens de transport ; mais il faut en même temps qu’ils considèrent les différences de conditions générales ou spéciales, afin de porter des appréciations justes sur les systèmes d’exploitation.

Quoi qu’il en soit, l’effectif du matériel des compagnies concessionnaires doit répondre, selon la règle posée par M. Jacqmin, directeur des chemins de fer de l’Est, « non pas à la moyenne du trafic que chaque compagnie est appelée à desservir dans l’année, mais bien au maximum des oscillations de ce trafic. » L’application de cette règle procure les wagons en nombre suffisant pour transporter les produits les plus encombrans, tels que la houille, aux époques de l’année où ils se présentent le plus abondamment dans les gares, et, si elle a pour conséquence de laisser une certaine quantité de wagons sans emploi pendant les mois où les transports sont moins actifs, elle permet d’avoir en réserve un matériel de renfort pour les circonstances anormales. C’est ainsi que dans la dernière crise la compagnie de Lyon a pu en trois mois expédier par la gare de Marseille plus de 320,000 tonnes, chiffre très supérieur au maximum des besoins de transport qui s’étaient produits antérieurement. Certes il eût été désirable que le montant des expéditions fût encore augmenté, car, malgré ce grand effort, Marseille paraît avoir beaucoup souffert de l’encombrement des marchandises ; mais il est une mesure que l’on ne saurait dépasser. Une entreprise qui posséderait un matériel excessif pour une éventualité destinée à ne se présenter peut-être qu’une fois en dix ans chargerait son