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publique et pour les fortunes privées, l’intérêt est immense ; on s’explique donc l’importance exceptionnelle qui s’attache aux délibérations de l’enquête.


I

La commission parlementaire devait, au début de ses travaux, se rendre compte de la crise des transports et rechercher les moyens d’y remédier. Cette crise avait atteint les proportions d’une véritable calamité publique. Alors qu’il était si essentiel de faciliter la reprise des opérations industrielles et des échanges commerciaux, les matières premières manquaient aux usines, les produits n’arrivaient pas régulièrement dans les magasins, et les intérêts lésés exprimaient les plus vives plaintes contre le gouvernement et les compagnies. Déjà, au mois de septembre, M. le ministre des travaux publics avait exposé cette situation. Il appartenait à la commission d’enquête d’entrer dans tous les détails, et d’examiner si l’instrument de transport remis entre les mains des compagnies concessionnaires pouvait donner satisfaction aux besoins légitimes de l’industrie et du commerce. Il y avait là une appréciation de fait et une question de doctrine, car, à l’occasion d’une insuffisance de transports qui n’était pas contestée, on s’attaquait au régime des concessions en déclarant que la crise ne se serait pas produite, ou qu’elle aurait été moins forte, si l’exploitation des chemins de fer était demeurée entre les mains de l’état.

Il convient d’abord de rappeler les faits. Dès la déclaration de guerre, toutes les voies ferrées furent requises pour les transports de l’armée ; pendant la guerre, le matériel, les ateliers et une partie du personnel furent employés aux opérations militaires. Au lendemain de l’armistice, il fallut pourvoir à l’alimentation de Paris affamé, puis au départ des troupes allemandes et au rapatriement de l’armée française prisonnière en Allemagne. Au moment où la circulation régulière allait se rétablir, survint l’insurrection de la commune de Paris, qui eut pour effet de paralyser pendant deux mois encore les relations dans les parties les plus importantes du réseau. Bref, du mois de juillet 1870 au mois de juin 1871, c’est-à-dire durant près d’une année, la circulation industrielle et commerciale fut presque complètement interrompue. En même temps, dans les régions de l’ouest et du midi, qui n’avaient pas été visitées par la guerre, les produits s’accumulaient, notamment dans le midi les vins de la récolte de 1870 ; les gares, les entrepôts et les magasins particuliers étaient encombrés de marchandises prêtes à être transportées au premier jour, et dont l’expédition immédiate était réclamée par les régions du centre, du nord et de l’est, qui