là, prétendez-vous qu’on vide les sanctuaires pour vous y introniser ? Quel que soit notre indifférentisme en pareille matière, il est certain que les dieux étrangers ont reçu de notre ébranlement un grave contre-coup. Ils s’en relèveront, mais plus tard ; en attendant, la place va s’ouvrir plus libre aux œuvres de nationalité française. Musicien selon l’esprit du temps, qui le sera ? La musique est de tous les arts celui qu’on pratique le plus à la légère. Le poète, le peintre, savent encore ce que c’est que la vie nationale, et par occasion s’en laissent imprégner ; la plupart des musiciens composent au hasard, et lorsque la note vibre juste, c’est que le caprice de l’heure et l’instinct l’ont ainsi voulu. De là vient que la musique, qui passe pour une très grande puissance, agit si peu sur notre développement. Plaçons-nous au point de vue national, et demandons-nous quelle sorte d’influence ont jamais exercée sur nous les belles choses que peuvent avoir écrites MM. Thomas, Gounod, Reber ? Influence agréable souvent, quelquefois émouvante et pathétique en tant que drame, mais qui jamais n’affecte en cous l’être moral. Analysez cette musique, de quoi est-elle faite ? et quand vous en avez soustrait l’idée thématique fournie par les paroles, que vous reste-t-il aux mains ? Un résidu de formes et de résonnances germaniques. Est-ce ainsi que procèdent dans leur pays les Beethoven, les Bach, les Mendelssohn, musiciens musiquant, mais aussi libres chercheurs et critiques ? La musique a été pour la France depuis vingt ans un des élémens les plus actifs de dénationalisation, et je ne parle ici que de la bonne, car la mauvaise ne s’est pas contentée d’amollir, de détendre la fibre nationale ; elle a faussé le goût systématiquement, elle a jeté bas, traîné dans la fange tout idéal de sentiment, d’honneur et de vertu.
Plutarque raconte qu’après la défaite de Crassus le général des Parthes trouva dans le bagage d’un officier romain un recueil de fables milésiennes, et le fit porter à Séleucie pour le montrer à l’assemblée de la nation comme une preuve de la décadence et des vices de leurs ennemis. C’est donc une bien vieille histoire que celle de l’influence d’une mauvaise littérature et d’un art dégénéré sur la force nationale d’un peuple. Nous avons ainsi en France une race qui ne meurt jamais, la race des amuseurs publics, des faiseurs de mots. Un moment dispersés, vous les voyez, au lendemain du cataclysme, reparaître et reprendre le propos où les événemens l’avaient interrompu. Une société s’est écroulée entre temps ; mais pour eux tout va pour le mieux, s’ils retrouvent « le monde des premières ! » Vouloir être amusée, toute société en est là ; reste à savoir par quels moyens. Le XVIIe siècle eut du goût pour les comédies de Molière, et ne dédaigna point Racine. Un public qui fréquente de tels spectacles n’a pas besoin qu’on célèbre sofa honnêteté. Que