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ravagèrent le pays. Au sud, la situation n’était guère meilleure, Galitch étant menacé par les Magyars. Si Galitch devait échapper à la Hongrie, Vladimir, qui était le véritable centre politique de la fédération russe, allait tomber aux mains de Bâtou.

Dans une assemblée générale des chefs mongols, le « seigneur des seigneurs » avait ordonné une expédition contre l’Occident. Bâtou, neveu du kha-khan, en fut chargé. Il avait sous ses ordres plusieurs princes de la maison régnante, et pour lieutenant-général le héros de la Kalka, Souboutaï. Bâtou n’avait pas moins de 600,000 hommes, et Jean du Plan de Carpin nous donne une idée de la discipline qui régnait dans cette armée en la comparant à l’obéissance des religieux envers leur supérieur. Il ne s’agissait pas de ces molles populations asiatiques de l’Asie méridionale que les Français et les Anglais ont si aisément soumises, mais d’hommes habitués à des privations de toute espèce, passionnés pour la guerre, endurcis par leurs luttes contre un climat des plus rudes.

Les Bulgares orientaux furent les premières victimes des Mongols. Rubruk ne se montre guère attristé de leurs malheurs. « Les Bulgares, dit-il sèchement, sont de très méchans mahométans, et sont plus opiniâtres en leur loi que tous les autres. » En réalité, les Bulgares étaient un peuple de marchands et d’agriculteurs, qui avait étendu ses relations commerciales en Asie jusque dans l’Inde, et à l’ouest jusqu’en Italie. Plus d’une fois, dans les temps de famine, les Bulgares avaient fourni du blé aux provinces orientales de la Russie. Cependant, comme en s’étendant de plus en plus ils avaient fini par atteindre les frontières des principautés de Vladimir et de Rostov, le prince de Vladimir, André le Pieux, inquiet de leur puissance, les attaqua et brûla leurs trois principales villes. Briakimov, qui était la capitale, subsiste encore comme village sous le nom de Bolgary dans le gouvernement de Kazan, et conserve des antiquités remarquables. Ce pays, jadis si riche, fut définitivement ruiné par Bâtou. Après avoir livré aux flammes la « grande ville » des Bulgares, il s’enfonça dans d’épaisses forêts et menaça la principauté de Riazan. La célèbre ville de ce nom, une des plus anciennes de la Russie, dont il ne subsiste plus que quelques ruines au village de Staraïa Riazan, paraissant disposée à bien se défendre, les Mongols se contentèrent de demander le dixième des biens qu’elle contenait. Les princes répondirent : « Lorsque nous serons tous morts, vous pourrez les prendre en entier. » Mais que pouvait la bravoure personnelle contre l’Asie se précipitant sur l’Europe comme une avalanche irrésistible ? Ainsi qu’au temps des Attila et des Baïan, les cités comme les hommes étaient devenues impuissantes contre « le fléau de Dieu. »

Ces moines chrétiens qui avaient une si grande influence sur