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La lumière venant d’en haut, tout naturellement on attribue à l’action des rayons solaires sur les tissus vivans ce coloris plus accusé que présente la face tournée vers le ciel. Il est fort remarquable que les animaux qui volent baignés en quelque sorte tout entiers dans la lumière n’offrent pas une opposition aussi tranchée entre les tons de la face ventrale et le dos. La gorge du ramier, celle des oiseaux-mouches, sont plus colorées que le dessus de leur corps. Les scarabées, les guêpes, les demoiselles errantes sur les roseaux, les mouches à couleurs métalliques bleues ou vertes, ont leurs anneaux également foncés tout autour de l’abdomen, enfin un grand nombre de papillons ont les ailes également parées en dessus et en dessous.

Cette influence de la lumière sur la coloration ne saurait être révoquée en doute, quoique nous ignorions la part qui revient au juste à l’action des rayons. Les mollusques qui restent enfermés dans une coquille à peine entre-bâillée, comme l’huître, sont presque incolores, tandis que la coquille Saint-Jacques, qui ne se fixe pas à la roche, qui sait chercher la lumière et se tourner vers elle, a les bords de son manteau brodés des plus belles couleurs. Les vers intestinaux, qui vivent dans l’obscurité des organes profonds, ont tous la nuance terne de l’huître ; on en cite un par exception qui a une teinte rouge assez accusée ; de même encore les larves d’insectes qui rampent dans la terre, dans le bois, dans les viandes en pourriture. Tous ces animaux d’obscurité ont la pâleur indécise de l’embryon au commencement de la vie dans l’œuf ou dans le sein de la mère. Les plus brillans papillons, les belles mouches à reflets bleus ou verts, les scarabées, ont en sortant de la chrysalide cette nuance grisâtre vague qui est en quelque sorte, pour la substance vivante, l’absence même de coloration. Certains insectes, demeurant constamment dans l’obscurité profonde, gardent toute leur vie cet aspect. Tels sont de curieux petits coléoptères qui habitent les crevasses inaccessibles des Pyrénées, à des profondeurs probablement considérables. Ils semblent fuir la lumière comme la mort ; on ne les trouve qu’à certaines saisons, quand ils remontent dans le fond des grottes : ils sont blêmes, mous comme des larves, et n’ont pas d’yeux, qui leur seraient sans doute inutiles dans les retraites où se passe leur vie inconnue.

Cette relation entre la couleur des animaux et la lumière est évidente pour ceux qui habitent la terre et l’air ; ils sont d’autant plus brillans qu’ils baignent davantage dans les rayons du soleil, les diurnes plus que les nocturnes, les animaux des tropiques plus que ceux des régions sombres du pôle ; mais la même loi ne semble plus s’appliquer aux bêtes de la mer, qui paraissent d’autant plus riches