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appelle le grand-khan, et qui est le véritable successeur de Djinghis, règne sur les contrées les plus orientales de l’Asie ; le second a sous sa domination tout l’Iran (Perse) ; le troisième est maître du Kaptchak (primitivement pays des Koumans, agrandi aux dépens des Russes), et le quatrième du Mâwara-alnahar (nom arabe de la Transoxiane, située entre l’Oxus et l’Iaxartes). » Touchy, l’aîné des fils de Djinghis, étant mort, son fils Bâtou, le conquérant de la Russie, eut en partage le Kaptchak[1] avec les régions du Volga et du Don ; Tchaghataï, le second, eut la Transoxiane, le pays des Ouzbeks et le Turkestan, contrée à laquelle les Mongols donnèrent son nom ; le troisième, Oktaï[2], désigné par Djinghis pour son successeur, devint après lui kha-khan (seigneur des seigneurs) ; Touli, le quatrième, mort en 1231, laissa quatre fils, parmi lesquels Mangou, dont Rubruk visita la cour, et le kha-khan Koubilaï, qui fonda en Chine la dynastie des Yen, et dont Marco Polo fut le « conseiller. » Inutile de dire que nos voyageurs font subir à tous ces noms orientaux de si bizarres transformations qu’on ne parvient à les reconnaître qu’à l’aide d’un véritable travail. Le caractère, les idées et les habitudes de ces peuples ne sont pas heureusement défigurés comme leurs noms.

Cinq années se passèrent avant que le nouveau kha-khan parût avoir l’intention de recommencer les expéditions en Russie. Les Rurikovitchs, qui évidemment n’avaient aucun l’enseignement sur l’état de l’Asie, se rassurèrent si bien qu’au lieu de se préparer à repousser les invasions mongoles ils se livrèrent à des discordes intestines. La guerre civile, qui au XIe siècle et au XIIe avait causé tant de maux au pays, exerçait encore ses ravages. En outre les Russes n’avaient pas à craindre seulement les hordes mongoles ; les Slaves de l’ouest et les Finnois leur donnaient les plus graves soucis. A la fin du XIIe siècle, les terribles Lithuaniens, qui avaient accepté pendant plus d’un siècle la domination des Rurikovitchs, profitèrent de leurs dissensions pour se soulever. Après la bataille de la Kalka, ils ravagèrent les provinces du nord. Au son de leurs longues trompettes et montés sur des chevaux sauvages plus rapides que le vent, ces païens se précipitaient sur leur proie comme des loups affamés. Ils brûlaient les villages et réduisaient les habitans en captivité. Lorsqu’ils avaient affaire à des troupes réglées, ils se dispersaient en lançant des flèches et des javelots pour reparaître à la première occasion favorable. Les Russes ne se contentèrent pas de les repousser, ils les attaquèrent, pénétrèrent jusque dans les parties les plus septentrionales de la Finlande et

  1. Les débris du Kaptchak ont formé les khanats de Kazan, d’Astrakhan et de Crimée.
  2. C’est son fils Kuyûk que Plan Carpin trouva chef de l’empire.