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point faits pour une mission qui exigeait encore plus de résolution que de dextérité. Traverser la Russie ravagée par les hordes de Bâtou, aller jusqu’au fond de l’Asie chercher le terrible kha-khan, arbitre de populations inconnues et sauvages, n’était point une tâche de nature à tenter les prélats habitués à voir même les souverains trembler devant des légats du patriarche de Rome. En revanche, les nouveaux ordres religieux, les franciscains et les dominicains, renfermaient des hommes qui, animés de la ferveur des congrégations naissantes, devaient se trouver heureux de tenter une grande entreprise pour l’unité catholique, et qui ne le cédaient ni pour l’instruction ni pour les talens diplomatiques aux membres les plus habiles de l’épiscopat. Tel était le franciscain Giovanni, né en Ombrie, à Pian di Carpine ou Plano Carpino (aujourd’hui Piano della Magione), et qui est devenu célèbre sous le nom de Jean du Plan de Carpin[1]. Jean, compatriote et un des principaux disciples du fondateur de son ordre, avait été successivement « custode » de Saxe, provincial d’Allemagne, peut-être de « Barbarie, » et enfin de Cologne. Le pape, dont il était le « pénitencier, » avait pu constater sa rare dextérité dans les affaires. Son embonpoint, qui n’avait rien de « séraphique » (on sait que l’ordre de Saint-François affectionne cette épithète), l’obligeait en Allemagne de se servir d’un âne. Etienne de Bohême et Benoît de Pologne[2], qui savaient les langues slaves, furent choisis pour l’accompagner[3]. Un autre franciscain, Laurent de Portugal, fut nommé « légat en Arménie, Icone (Konieh), Turquie, Grèce et Babylonie. » Les dominicains furent chargés d’aller trouver en Perse le nougân Batchou, qui commandait les troupes mongoles. Leur chef était Ascelin ou Anselme, dont le voyage a été raconté par le frère Simon de Saint-Quentin[4]. Malheureusement cette relation, qui doit prendre place après celle de Carpin, ne nous est point parvenue en entier ; il ne nous reste que les extraits donnés par un contemporain, religieux du même ordre, Vincent de Beauvais. Guillaume de Rubruk, cordelier (franciscain) envoyé de Louis IX chez les Mongols, vient ensuite[5]. Les écrits de Simon de Saint-Quentin et de Rubruk

  1. Voyez Daldelli, Storia del Milione, p. 24, n. 2, — Vermiglioni, Biog. degli scritt. Perugini, p. 225, — Ciatti, Perugia pontificia, p. 342. Ce dernier dit que frate Giovanni era de’ nobili del Pian de Carpine, famiglia estinta.
  2. Voyez l’Itinéraire de Benoît dans les Mémoires de la Société de géographie, t. IV.
  3. Relation des Mongols ou Tartares, par le frère Jean du Plan de Carpin, de l’ordre des frères mineurs, légat du saint-siège, nonce en Tartarie pendant les années 1245,1240 et 1247, archevêque d’Antivari (Albanie), dans les Mémoires de la Société de géographie, t. IV, p. 397-773.
  4. Voy. Bergeron, Relation des voyages en Tartarie, 439-466.
  5. Voyage en Orient du frère Guillaume de Rubruk, de l’ordre des frères mineurs, de l’an de grâce M.CC. LIII, dans les Mém. de la Société de géographie, t. IV, p. 205-396.