Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/806

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
RUSSES ET MONGOLS

JEAN DU PLAN DE CARPIN


I

Lorsqu’on arrive en Russie par le sud de l’empire, il est impossible qu’on ne soit pas frappé de la magnifique position de Kiev. Quand j’ai vu cette ville pour la première fois, j’avais encore l’imagination toute remplie ; des merveilles que renferment les plus belles cités des pays romano-germaniques. Cependant, lorsque j’aperçus la vieille capitale des « grands-princes, » bâtie en amphithéâtre au bord du Dnieper, avec ses antiques monastères et ses riches églises, avec ses innombrables coupoles dorées et argentées, je dus avouer que l’Occident n’avait pas seul le privilège des « cités triomphantes, » nom que Commines donnait à la Venise des doges. La douceur du climat, la, fertilité du sol, la vigueur de la végétation, tout fait contraste avec l’image qu’on se fait depuis Hérodote de la Scythie stérile et glacée, et l’on comprend sans peine que les souverains normands, fondateurs de l’empire des tsars, se soient hâtés de quitter les sombres rivages du golfe de Finlande pour s’établir dans cette contrée, où Oskold et Dir avaient déjà fait reconnaître la suprématie des belliqueux Scandinaves.

Les états occidentaux, absorbés au moyen âge par des guerres continuelles, n’attachèrent aucune importance à la fondation de la « grande-principauté » de Kiev. Les sujets des grands-princes, occupés aussi par des luttes acharnées contre leurs voisins, ne songèrent point à transmettre à la postérité le souvenir de ces luttes jusqu’au jour où un moine de Kiev eut l’heureuse idée d’écrire cette