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Cette dépense des écoles, l’établissement industriel par exception la prend à sa charge. Le maître de l’usine entend signifier ainsi que la destination naturelle de ces enfans, c’est l’atelier. Il a mieux marqué cette intention en faisant le devis de ce qu’ils coûtent, sinon par tête, du moins par âge. Ce qu’il y a de plus cher, c’est la nourricerie, la nursery anglaise : elle coûte 10,000 francs pour une moyenne de 40 enfans, ce qui met la dépense par enfant à 250 fr. par an ou 70 centimes par jour. Le pouponnat en revanche ne coûte que 800 francs pour 40 enfans, soit 20 francs par enfant ; le bambinat 2,000 francs pour 80 enfans, à 25 francs par tête, puis les 3e 2e et 1re classes, 1,400, 2,300 et 2,200 francs, enfin les cours divers 1,000 francs. Au total 19,700 francs, somme qui comprend pour les premiers âges la nourriture et tous les frais nécessaires ; pour les âges suivans, toutes les fournitures sans exception nécessaires à l’enseignement. M. Godin n’est pas d’ailleurs partisan de la séparation des sexes, il est en cela de son école et rompt avec les méthodes de l’université. Moins qu’ailleurs cette séparation lui paraît indiquée dans le familistère où les deux sexes vivent d’une existence commune, analogue sous bien des rapports à ce qui se passe dans la famille entre frères, et sœurs. Tous les enfans se connaissent dès le berceau, tous se voient, se rencontrent dans leurs jeux et chez leurs parens, de sorte que rien n’éveille en eux ni la curiosité, ni la surprise, tandis que le fait même de la séparation ferait naître des remarques et leur donnerait au moins à réfléchir. Ce n’est pas que dans les classes le mélange des sexes soit complet, d’autres raisons concourent à l’exclure. Chaque salle a le côté des filles et celui des garçons, mais les divisions de la basse enfance participent aux mêmes exercices, aux mêmes leçons, et sont dirigées par les mêmes maîtresses. Il en est de même aux écoles. Dans chaque classe, un large passage sépare les tables destinées aux élèves ; d’un côté les garçons, de l’autre les filles, mais les filles comme les garçons reçoivent, sous les mêmes professeurs, les mêmes leçons générales ; quelques détails seuls varient suivant le sexe ou les dispositions naturelles du sujet.

Que vaut cet enseignement ? D’après ce que j’en ai vu, il est l’équivalent de celui d’une bonne école primaire. Le corps des employés attachés à l’établissement industriel ajoute des cours supplémentaires de mécanique, de géométrie, de dessin linéaire, de musique vocale et instrumentale. C’est en somme bien suffisant pour des jeunes gens qui en quittant les classes iront acquérir dans l’atelier les premières notions du métier qui sera leur gagne-pain. Au fond, c’est la limite que dans sa pensée M. Godin assigne à leur instruction ; il croit cette limite bonne pour eux comme pour lui,