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raient que pour livrer la France à l’affreux fléau d’une invasion étrangère plus onéreuse et peut-être indéfiniment prolongée.

Il y a un pays où le radicalisme offre depuis quelque temps un certain spécimen de son habileté et de son esprit politique, c’est l’Espagne. Le radicalisme a entrepris de régénérer la péninsule ; il lui a donné une constitution, un gouvernement, des clubs, des associations, des journaux agitateurs, des partis nouveaux, et tout cela pour aboutir aujourd’hui à une crise où la confusion est plus complète que jamais, où toutes les passions tourbillonnent autour d’un trône sans garantie et sans sécurité. L’Espagne, il est vrai, a eu depuis un an une apparence de trêve, en ce sens qu’elle n’a été éprouvée par aucune insurrection. C’était bien le moins qu’après avoir proclamé de nouveau la monarchie, après avoir élevé au trône le roi Amédée de Savoie, on se donnât le temps de prendre quelque repos et de se reconnaître. La paix matérielle n’a point été troublée sans doute ; cela ne veut pas dire malheureusement que les conditions politiques de la péninsule se soient fort améliorées, et que pendant cette année même l’existence de la monarchie nouvelle ait été des plus faciles. Le roi Amédée est à Madrid depuis un an seulement, et déjà il a eu cinq cabinets, il a vu passer dans ses conseils près de cinquante ministres de toute sorte. Où peut-il trouver un appui, une direction ? Il ne peut guère le savoir, puisque le congrès, partagé entre toute sorte de fractions, radicale, progressiste, républicaine, carliste, modérée, alphonsiste, ne sait pas lui-même ce qu’il veut ni ce qu’il pense. Ce qui est certain, c’est que le radicalisme forme la fraction la plus nombreuse du congrès, qu’il est depuis quelque temps au pouvoir ; mais le radicalisme lui-même s’est divisé, et la fraction qui est au ministère aujourd’hui, qui est représentée par le président du conseil, M. Sagasta, a trouvé naturellement la plus mortelle adversaire dans l’autre fraction, qui s’est empressée de se coaliser avec les autres partis ennemis dans le congrès. De là est venue la crise qui vient d’éclater. Que pouvait faire le roi ? Ne sachant où trouver une majorité, il n’avait plus qu’à dissoudre les chambres et à consulter le pays. C’est ce qu’il a fait. Cela semble tout simple ; ce malheureux décret de dissolution porté au congrès a suffi cependant pour provoquer un effroyable orage, des déclarations d’hostilité contre la monarchie, des appels à l’insurrection. Un des chefs du radicalisme opposant, M. Zorrilla lui-même, quoique ancien président du conseil, a fait entendre des paroles qui ressemblaient à des menaces. On s’est séparé néanmoins, et les élections sont fixées au 2 avril. D’ici là que se passera-t-il ? Certes, à n’observer que les apparences, l’Espagne serait bien près de retomber dans des agitations nouvelles, et la couronne du roi Amédée serait bien aventurée. Au fond cependant la péninsule est bien peu révolutionnaire, et le scrutin du 2 avril prépare