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des tournées dans les arsenaux. On les choisirait dégagés de tous liens avec les préposés des services qu’ils devraient contrôler, de manière qu’il n’y eût à craindre ni les complaisances ni la solidarité de l’esprit de corps. Par ce moyen, les vérifications auraient lieu sans partialité comme sans faiblesse, et la mention du recensement, certifiée sur le compte, sortirait de la sphère des formules banales et sans portée qu’on signe à la légère, sans croire engager sa responsabilité.

On s’est borné ici à faire ressortir les points principaux de la réforme réalisée par le ministère de la guerre ; il eût été fastidieux de descendre plus avant dans les détails. Ce que nous avons dit suffira pour qu’on puisse apprécier le caractère général de l’œuvre. Le règlement nouveau est-il irréprochable, a-t-il tout prévu, est-il uniformément applicable ? N’éprouvera-t-il aucun mécompte dans la pratique ? C’est ce que l’expérience seule pourra démontrer. Toutefois il est permis de dire dès aujourd’hui que ce règlement, s’il n’est pas le dernier terme de la perfection, est au moins un pas considérable fait en avant dans la voie du progrès. Il donne à la comptabilité-matières une consistance nouvelle, il l’assoit sur une base solide, il cherche à en faire le reflet exact de tout ce qui se passe dans les arsenaux.

Nous espérons qu’il pourra produire des résultats réellement utiles. Il ne faut pas toutefois se bercer d’illusions et croire que la publication de ce document va changer immédiatement la face des choses. Les meilleures institutions n’ont de valeur qu’autant qu’elles sont mises en pratique par des hommes résolus à les appliquer loyalement. Ce n’est pas dans des prescriptions réglementaires, nous ne l’ignorons point, que se trouvent les garanties les plus sûres, c’est dans l’honneur, l’intelligence, et la conscience des citoyens auxquels est remis à tous les degrés le soin des intérêts publics. C’est surtout par le développement du patriotisme, par la généralisation du sentiment du devoir qu’on obtiendra les réformes les plus fécondes. Plus que tout autre, notre établissement militaire a besoin de cette condition. L’organisation de l’armée comme celle du matériel, les troupes comme les arsenaux, exigent que chacun, dans son cercle d’action et dans la mesure de ses forces, apporte un concours absolu et dévoué. Que le soldat s’exerce aux manœuvres et se plie à la discipline, que l’officier s’instruise, que l’administrateur perfectionne ses services, que le contrôleur surveille, que chacun enfin s’applique à augmenter la force de l’état, à en ménager les ressources, à faire régner l’ordre. Si ces sentimens pénètrent dans les cœurs, l’heure de la reconstitution ne se fera pas longtemps attendre. Tout entrera dans une voie d’amélioration réelle