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Tibre et cet autre admirable dessin représentant Un palais à l’époque impériale complètent sur la civilisation romaine au temps d’Auguste les enseignemens que nous avait fournis le peintre de Virgile lisant l’Enéide, — le crayon de Duban, en nous rendant l’aspect d’Une place dans une ville de la Toscane au XIVe siècle, ou en résumant sous le titre de L’Arno les coutumes et les progrès de l’art florentin avant les Médicis, n’a-t-il pas aussi dans un autre ordre de travaux donné des pendans à l’Entrée de Charles V, à Françoise de Rimini, à tous ces petits tableaux d’Ingres qu’on dirait faits par un contemporain des scènes qu’ils retracent, tant la signification historique en est nette et le caractère vraisemblable ?

Ainsi, quels que soient les sujets traités par Duban, à quelque point de vue qu’on se place pour examiner ses œuvres et pour en apprécier les mérites, ce qui ressort uniformément de la variété du spectacle, c’est l’expression d’une certitude sereine, de la saine intelligence des choses, c’est avant tout et partout une leçon de bon sens. Contraste singulier ! Autrefois, à en croire les représentans attitrés de l’architecture classique, Duban et ceux qui s’étaient dès le début associés à ses efforts personnifiaient dans l’art des idées excessives ; les doctrines que le jeune artiste essayait de faire prévaloir passaient pour des innovations et des audaces telles que le succès en semblait devoir se confondre avec celui de la violence révolutionnaire et du désordre. Maintenant que nous jugeons les faits en eux-mêmes, à distance de l’époque et du milieu où ils se sont produits, maintenant que chacun peut sans acception de parti s’en fier à ses propres yeux, à ses informations directes, à ses impressions personnelles, il se trouve qu’envisagées dans leur ensemble les œuvres de ce prétendu radical n’expriment plus que l’esprit de prudence savante et de mesure. Qui sait même ? peut-être paraîtront-elles à quelques-uns déjà un peu trop sages, un peu trop correctes pour dénoter chez celui qui les a faites une véritable puissance de sentiment et d’invention, car c’est un des préjugés de notre temps de tenir pour insuffisant, dans le domaine de l’art comme ailleurs, tout ce qui ne va pas aux extrêmes, et de ne croire guère à la vigueur des inspirations qu’autant qu’il s’y mêle quelque chose de l’intolérance ou du charlatanisme. Toujours est-il qu’en travaillant, en réussissant à concilier avec les droits de l’imagination les scrupules les plus délicats de la conscience, Duban a prouvé aussi clairement que sa loyauté la légitimité de l’influence qui lui appartient dans le présent et dans l’avenir. Malgré sa déférence constante pour les enseignemens du passé, il a su mieux que personne comprendre les nécessités de l’art moderne, et, tout en continuant la tradition, tout en pratiquant une méthode éclectique,