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chaque ornement. En pareil cas, les scrupules du dessinateur ne sauraient être poussés trop loin, parce qu’il y va de la beauté même du type original et de la vraisemblance scientifique, des mérites essentiels de la copie. S’évertuer au contraire, comme on le fait trop souvent, à simuler sur le papier jusqu’aux plus tristes mutilations, jusqu’aux moindres taches qui auront déshonoré la pierre ou le marbre, chercher le succès dans la prédominance du moyen et l’expression de la vérité dans la contrefaçon du réel, ce n’est pas seulement renverser les termes du problème, c’est en fausser de gaîté de cœur la solution. C’est, au lieu d’une œuvre nettement définie, produire une œuvre bâtarde, insuffisante par la confusion même des élémens dont elle procède, et qui, trop ambitieuse à la fois et trop timide, n’a en somme ni la précision d’une étude architectonique, ni le charme pittoresque d’un tableau.

Que l’on examine, entre autres spécimens de la méthode opposée, les dessins faits à Rome par Duban d’après le Panthéon, l’Arc de Septime-Sévère et l’Arc de Constantin, on comprendra ce que la sobriété de l’exécution peut, dans des travaux de cette espèce, ajouter à la majesté naturelle du sujet, et comment l’image d’un monument envisagé au point de vue de l’architecture seule impose, par sa rigueur même, la confiance à l’esprit et l’admiration au regard. Point de tours d’adresse inutiles, ni de ces recherches accessoires aussi compromettantes pour le goût du dessinateur que pour l’aspect sérieux du dessin. Si réelle qu’elle soit, l’habileté de la pratique ne s’affiche pas plus ici qu’elle ne vise à détourner au profit des altérations matérielles que le temps a pu amener l’attention due aux beautés de l’œuvre primitive, à ces renseignemens sur un édifice antique que Duban a recueillis et qu’il nous transmet. Puissent les jeunes architectes, en face des modèles du même ordre, discerner à son exemple les vraies conditions de leur travail, et, laissant à la photographie le privilège d’une niaise impartialité, dédaigner sagement les procès-verbaux pittoresques pour n’enregistrer que des faits dignes de mémoire et des vérités dignes de l’art !

Faut-il conclure de là que dans les dessins de Duban tout se réduit à l’imitation de la forme seule, à une simple image des grandeurs ou des finesses inhérentes aux combinaisons des lignes, à leur relief, à la grâce ou à la fermeté des contours ? Ce serait se méprendre beaucoup que d’attribuer à ces ouvrages et à celui qui les a faits des mérites aussi limités, aussi exclusifs. Duban n’avait garde de méconnaître l’importance de la couleur là où il s’agissait pour lui de tracer sur le papier une composition ou une étude, pas plus qu’il ne songeait dans les travaux dont il dirigeait l’exécution à se priver des ressources que peut offrir, comme moyen décoratif,