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terreur et l’épouvante !… Qu’ils deviennent immobiles comme des pierres !… Selah ! Selah ! Selah ! »

D’après I Samuel, XXXI, 10, on voit que les Philistins, qui adoraient aussi cette déesse, déposaient dans son temple les armes et les dépouilles des vaincus. Ce caractère guerrier est un des traits qui peuvent servir à distinguer Astarté d’Aschera. C’est dans le temple d’Astarté, peut-être à Askalon, où était le plus ancien temple de la déesse, que les armes de Saül furent placées, tandis que, selon la Chronique, on aurait envoyé la tête du héros dans le temple de Dagon. Ce dieu étrange, dont le nom indique clairement le caractère et la forme (dag, poisson), avait des temples fameux desservis par un grand nombre de prêtres, à Asdod, à Gaza, à Askalon, etc. Les noms de lieux Kephar-Dagon, Beth-Dagon, attestent que son culte était aussi très répandu dans la Palestine au temps des juges. On sait aujourd’hui que ce dieu est, avec Marduk, une des formes secondaires du Bel démiurge de Babylone. Dagon avait une tête coiffée de la tiare et deux mains à l’état libre, non attachées au corps, lequel, du tronc à l’extrémité inférieure, représentant une queue de poisson. On a retrouvé ce dieu sur les médailles phéniciennes, les bas-reliefs de Ninive et les cylindres babyloniens. La déesse parèdre, Derkéto, avait la même forme. Ce sont là des divinités sémitiques d’une antiquité prodigieuse et dont on ne pouvait arriver à bien déterminer la nature qu’après une étude immédiate des monumens de Ninive et de Babylone.

Quant à Aschera, nous ne la connaissons que par quelques textes hébreux de la Bible. Nous avons dit que son symbole s’élevait à l’ombre des arbres verdoyans, sur les hautes collines, à côté de la stèle de Baal. Comme divinité tellurique, manifestant surtout sa puissance dans la végétation, Aschera était particulièrement adorée dans les bois et dans les forêts. Le culte des arbres ne disparut que très tard en Syrie. Si les livres des Rois et des Chroniques n’en parlent plus guère, il n’en est pas de même dans des livres plus anciens des Juges et de Samuel et dans la Genèse. Tout arbre, tout bois sacré était aux jours antiques un lieu de sacrifice. Quand Abram vint s’établir sous les chênes de Mamré, il y bâtit un autel. Le bouquet d’arbres que ce patriarche avait plantés à Beer-Shéba et où Isaac avait élevé un autel était même devenu au temps du prophète Amos un foyer d’idolâtrie des plus renommés. Au temps de Josué, l’arche sainte était sous les chênes et sous les térébinthes de Sichem. C’est sous un arbre, « qui était près de l’arche de Jahveh, » que le héros dressa une pierre en disant au peuple : « Voici, cette pierre nous servira de témoignage, car elle a entendu toutes les paroles de Jahveh, qu’il a prononcées avec nous… » La fameuse pierre noire