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(Schimschôn, de schêmesch, soleil), l’Hercule de leur tribu, est un mythe solaire. Rappelons aussi que sur l’obélisque de Salmanasar III le soleil est appelé « chef des légions (célestes), » et que le mot employé dans l’inscription pour signifier « légions » correspond au mot hébreu Tsebaoth, « armées, légions, » que l’on rencontre dans la Bible si souvent uni au nom de Jahveh.

Le Jahveh-Tsebaoth des Hébreux est donc bien encore une fois le soleil, l’astre éclatant qui commande à l’armée innombrable des cieux, à la lune, aux planètes et à toutes les étoiles. A côté des grands mythes solaires, dont la signification primitive se perdit avec le temps chez les Sémites comme chez les Aryas, le soleil même fut adoré à Jérusalem dans le temple de Jahveh. Ézéchiel nous montre les adorateurs de l’astre, entre le portique et l’autel, le visage tourné vers l’Orient, prosternés devant le soleil. Les emblèmes du dieu étaient à Jérusalem ces chevaux et ces chars du soleil que les rois de Juda avaient placés à l’entrée du temple[1].

Au-dessous de l’antique Baal, ordinairement désigné dans la Bible par le mot hab-baal, avec l’article, il est un Baal plus jeune, qui, sous mille formes diverses, représente l’action spéciale et variée du soleil sur la terre. D’après les caractères particuliers que lui attribuait la foi populaire, le dieu portait un surnom différent. De là ces Baals qui étaient innombrables dans les royaumes d’Israël et de Juda, et auxquels le prophète faisait allusion lorsqu’il s’écriait : « Tel est le nombre de tes villes, tel est le nombre de tes dieux, ô Juda[2] ! » En Phénicie aussi, comme M. Renan l’a constaté, chaque ville, chaque canton avait son culte, qui souvent ne différait du culte voisin que par les mots ; mais ces mots avaient leur importance. Nomina, numina. Ainsi Baal-Berith, adoré à Sichem, était le dieu ou Baal protecteur de l’alliance politique des tribus. Baal-Zeboub, — le Beelzébub des Évangiles, où l’antique divinité n’est plus qu’un démon, — était un oracle fameux à Ékron, au pays des Philistins, que le roi d’Israël Ahaziah envoya consulter. Balal-Peor était le dieu des voluptés farouches, de l’amour indompté, qui déchire le sein des vierges. Si l’on excepte le culte d’Aschera, dont nous parlerons bientôt, jamais divinité n’eut des rites plus naturalistes.

Quant aux formes locales de Baal, telles que Baal-Hamon, Baal-Hazor, etc., elles sont bien plus nombreuses. Le nom de la divinité parèdre de Baal, de son épouse Baalath, se rencontre aussi plus d’une fois dans la géographie de la Palestine, et atteste l’étendue

  1. Ézéch., VIII, 16 ; Deut., IV, 19 ; II Rois, XXIII, 11.
  2. Jérém., XI, 13.