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redressement doit être limité au strict nécessaire, et s’éloigner aussi peu que possible de l’ordre régulier et traditionnel. C’est ainsi que lors de la révolution de 1688 le roi Jacques II fut censé avoir abdiqué, et que le trône fut déclaré vacant, ce qui en permettait l’accès au plus proche héritier ; cependant on ne doit pas conclure de ce cas particulier à un droit absolu « de détrôner les rois et de les remplacer. » En vertu de ces principes, Burke nie que le peuple ait le droit de changer son gouvernement quand il lui plaît, et de s’en faire un à sa fantaisie. La seule idée « d’un nouveau gouvernement » suffit, à ses yeux, pour inspirer « le dégoût et l’horreur. » La liberté anglaise n’est pas un droit a priori, c’est « un héritage ; » elle a « ses armoiries, ses galeries de portraits, ses inscriptions, ses archives, ses preuves et ses titres. » En un mot, dit Burke éloquemment, « notre liberté est noblesse. »

C’est cette liberté traditionnelle et historique, fondée sur des monumens et non sur des abstractions, que Burke aurait voulu voir établir en France. Il reconnaît que la vieille constitution française avait été bien « endommagée ; » mais il en restait encore « des pans de murailles, » et « ses fondations avaient subsisté. » Il essaie alors de montrer comment les droits de la noblesse, l’organisation du clergé, les parlemens, les privilèges provinciaux, comment toutes ces institutions, plus ou moins altérées et dégradées par le temps, auraient pu avec quelques réparations servir à reconstruire l’édifice nouveau.

Il sera sans doute éternellement regrettable que la révolution française n’ait pu se dénouer, comme l’eût désiré Burke, par une transaction entre le passé et l’avenir, entre l’aristocratie et la démocratie, la royauté et le peuple, entre la tradition et le progrès, le privilège et le droit. Nul doute qu’un progrès continu et régulier ne vaille mille fois mieux que ces évolutions brusques qui détruisent tout et ont en outre le malheur de produire dans la suite toute sorte de contre-coups où s’épuisent les forces des nations. Heureux les peuples chez lesquels la tradition est novatrice et l’innovation conservatrice ! Ce sont là aujourd’hui des vérités devenues banales ; si banales qu’elles soient, on ne peut trop s’en pénétrer. Inspirons-nous pour l’avenir de conseils si salutaires, qui sont toujours trop opportuns ; mais, pour ce qui est du passé, n’oublions pas les faits et les circonstances qui eussent rendu bien difficile, sinon impossible, la transaction que les critiques regrettent, que nous regrettons avec eux.

Burke et ses modernes disciples opposent sans cesse à la France l’exemple de l’Angleterre, ils ne parlent jamais que de 1688 ; ils paraissent oublier qu’il y a eu une certaine année 1640 où les