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de terre qui partent des bassins houillers, elles substituent à leurs tarifs habituels des prix savamment combinés pour chaque localité destinataire de façon à balancer la concurrence de la batellerie fluviale ou de la navigation maritime. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est non la suppression, mais bien l’extension de ces privilèges apparens qu’il faut réclamer. Une réduction universelle des prix de transport n’est guère qu’une utopie dont la réalisation subite compromettrait le bénéfice légitime des actionnaires ; une diminution progressive conduit plus sûrement, quoique plus lentement, au même but. Au surplus, les réductions que les tarifs spéciaux attribuent à certaines classes de voyageurs ont dès à présent une importance réelle ; il résulte en effet des chiffres cités par M. Jacqmin que la taxe moyenne perçue sur les voyageurs est inférieure à la taxe légale de la troisième classe. Une réduction non moins appréciable se fait sentir dans les tarifs des marchandises ; le prix légal ne descend pas au-dessous de 8 centimes par tonne et par kilomètre, et néanmoins le prix réellement payé par le commerce est d’à peu près 6 centimes sur l’ensemble de tous les transports effectués.

Dans l’année 1865, la dernière dont M. Jacqmin ait pu enregistrer les résultats, les chemins de fer français ont transporté 84 millions de voyageurs, 34 millions de tonnes de marchandises et 5 millions de têtes de bétail, sans compter les bagages, les articles de messagerie et les matières d’or et d’argent. A défaut de ces chiffres, l’expérience de chaque jour nous apprendrait assez que le rôle des chemins de fer dans la vie moderne est immense. M. Jacqmin s’est proposé de passer en revue, — c’est assurément la partie la plus originale de son œuvre, — les avantages que la société moderne retire de ce puissant instrument de civilisation.

D’abord l’état, ce grand producteur et consommateur des temps modernes, profite des chemins de fer de plus d’une façon. Il retire chaque année 8 millions d’impôts du seul réseau de l’Est, il réalise sur les divers services publics des économies en transports gratuits pour une somme équivalente : c’est un total de plus de 15 millions gagnés avec une seule compagnie à l’établissement de laquelle il n’a contribué que pour une somme inférieure à 200 millions. La compagnie de l’Est paie donc à l’état un intérêt exorbitant, et chacune des autres compagnies est dans le cas de présenter un compte analogue.

L’un des plus grands services que les chemins de fer aient rendus à la société a été de niveler dans toute l’Europe le prix des substances alimentaires et notamment des céréales. La production du blé n’est pas constante, elle varie d’une année à l’autre en un même pays ; aux années d’abondance succèdent des années de disette que rien n’avait fait prévoir : par bonheur les récoltes ne sont pas mauvaises à la fois dans tous les pays ; et l’un d’eux, plus favorisé, possède toujours de quoi