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Les éloges que M. Perdonnet décernait aux administrations des chemins de fer et les reproches que leur adressait en même temps M. Villeminot-Huard ont été reproduits bien des fois depuis 1862. Les questions relatives à l’amélioration des voies ferrées n’ont pas cessé d’être à l’ordre du jour : ingénieurs, touristes ou négocians, tout le monde s’en occupe et les discute. Dans les assemblées délibérantes aussi bien que dans les sociétés savantes, on se plaint que les trains vont trop lentement, que les voitures sont incommodes, que les prix du transport sont trop élevés, et l’on cherche le moyen d’y remédier. A priori, il est clair que l’exploitation des chemins de fer est susceptible de progrès : c’est le sort de toute œuvre humaine ; mais le public ignore souvent quelles difficultés s’opposent à l’adoption des perfectionnemens en apparence les plus simples. Le livre de M. Jacqmin est utile, surtout en ce sens qu’il permet au plus ignorant de se rendre compte à quel point ces questions sont épineuses.

Et que de complications en effet dans les innovations qui semblent à première vue ne présenter que des avantages ! En veut-on un exemple ? Les personnes qui ont visité l’Amérique du Nord vantent à l’excès les wagons américains en forme d’omnibus, où le voyageur a la faculté de circuler d’un bout à l’autre du train, ce qui vaut mieux assurément que d’être emprisonné dans la caisse étroite d’un wagon français. Ce n’est pas le seul agrément par lequel les wagons d’outre-mer l’emportent sur les nôtres : en hiver ils sont chauffés par un poêle ; on y trouve un cabinet de toilette, un water-closet ; si le trajet se prolonge durant la nuit, tout voyageur qui consent à débourser le modique supplément de 1 dollar obtient la jouissance d’un lit. Ne serait-il pas aisé d’introduire ces diverses améliorations dans le service français ? Eh bien ! non, ce n’est pas si facile qu’il paraît, et pour bien des motifs. D’abord il y a une raison de sécurité, ce qui est grave. La voiture américaine est stable, il est vrai, lorsqu’on ne fait que 25 ou 30 kilomètres par heure ; mais il serait imprudent de la mettre dans les convois rapides de France ou d’Angleterre qui marchent avec une vitesse au moins double, De plus, le couloir longitudinal qui règne d’un bout à l’autre du train fait perdre de la place ; il faut 70 décimètres carrés pour loger un voyageur, tandis qu’il n’en faut que 42 dans le système français ; de là nécessité d’augmenter le prix des places, ou, si l’on aime mieux, difficulté de le réduire. Puis la réunion des voyageurs de toutes les classes sociales dans un train que chacun peut parcourir d’un bout à l’autre ne plairait pas à tout le monde ; c’est admis aux États-Unis, oserait-on affirmer que le public français s’en accommoderait ? Chez nous voit-on un wagon vide, c’est dans celui-là que l’on préfère monter. Au surplus, cette question spéciale a été résolue par l’expérience. Quelques lignes ferrées de Suisse et d’Allemagne avaient adopté dans le principe