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le sol à leur profit, mais à leurs risques et périls. À cette fiévreuse ardeur de la lutte individuelle, souvent improductive et toujours dangereuse sur un sol vierge, s’était jointe déjà l’exploitation régulière des compagnies armées de grands capitaux. Les riches trouvailles auxquelles préside le hasard n’étaient pas rares ; en général toutefois, on ne rencontrait plus à la surface ces miroitantes pépites, fortune instantanée des premiers mineurs : c’est dans les profondeurs du sol, au centre des sierras, que je pus voir les minerais les plus abondans, là où l’or, par suite d’une fusion primitive, s’est infiltré en parcelles ténues ou par veines plus ou moins riches au milieu, de roches de quartz d’un blanc de lait. Pour isoler l’or de cette gangue, il faut triturer le quartz, la plus dure de toutes les roches, et, sous mes yeux, on dut en broyer des tonneaux pour obtenir quelques grammes du métal précieux. L’eau est avant tout nécessaire sur les mines, soit qu’on procède au lavage des terres d’alluvion afin d’en séparer la poudre d’or, soit qu’il faille animer les machines destinées à pulvériser le quartz ; on ne s’imagine pas de que cette nécessité de premier ordre a commandé de travaux et d’efforts dans quelques endroits où l’absence totale de routes et de combustible ne permettait en aucune façon d’employer la vapeur comme production de force. D’ordinaire l’eau manque là où l’or se trouve, comme si, dans ses secrets desseins, la nature s’était proposé d’apporter encore un nouvel obstacle à la mise au jour du métal qu’elle a le plus souvent si profondément caché dans les entrailles de la terre. Les mineurs établissent alors à ciel ouvert des conduites d’eau qui mesurent parfois 15 ou 20 lieues de long.

Heureusement pour le mineur californien, les opérations de son rude labeur ne sont pas toutes retardées par les mêmes entraves ; le mercure, cet agent indispensable de la séparation de l’or, se trouve répandu comme à profusion dans les mines de New-Almaden. New-Almaden est dans le nord à petite distance de San-Francisco ; c’est un vaste gisement de sulfure de mercure (cinabre) à peu de profondeur. Le minerai y est exempt d’aucun mélange de roche étrangère et pur de tout alliage métallique. Il a une couleur de brique foncée, la pesanteur en est excessive, l’extraction des plus simples. Pour en séparer le métal, il suffit de faire griller le minerai dans des fours ouverts ; le soufre se dégage par en haut, et le mercure coule en ruisseaux blancs précieusement recueillis dans des bouteilles de fer. Plus tard, le mercure ainsi obtenu est versé dans les cuves qui contiennent l’or uni à des corps étrangers ; l’amalgame se forme, et il ne reste plus qu’à faire évaporer le mercure pour avoir enfin l’or à l’état de pureté.

Trente-six heures avaient suffi à cette excursion ; une visite aux