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bannissant de l’exploration médicale le jugement parfois incertain des sens, en substituant autant que possible aux déterminations individuelles et arbitraires, ainsi qu’au sentiment toujours plus ou moins confus du médecin, les indications nettes et impassibles d’un instrument exact, on supprime les causes qui s’opposent à l’interprétation méthodique du mal lui-même. Ces instrumens d’ailleurs révèlent souvent des particularités qui échappent à L’observation directe. Ils réparent les oublis, rectifient les erreurs, dirigent l’activité, multiplient le pouvoir de nos sens imparfaits. À ce point de vue, l’appréciation thermométrique des variations de la chaleur animale dans les maladies, la thermométrie clinique, comme on dit, est un des progrès les plus incontestables de la médecine.


III

Après avoir vu comment la chaleur interne est produite chez les animaux, comment elle s’y dépense et s’y transforme en travail mécanique, enfin quelles variations spontanées ou provoquées elle y peut subir, nous devons examiner l’influence de la chaleur externe sur ces mêmes animaux et les phénomènes divers qui résultent de l’élévation ou de l’abaissement de la température du milieu dans lequel ils vivent. Des travaux tout récens ont éclairci ces questions. Boerhaave avait fait quelques expériences à ce sujet, mais sans rigueur suffisante. Berger et Delaroche, au commencement de ce siècle, en entreprirent de nouvelles qui eurent du retentissement dans les écoles de physiologie. Ils placèrent des animaux dans des étuves contenant de l’air chauffé à divers degrés de température, et observèrent les effets que les influences thermiques exercent sur la vie. La conclusion de leurs recherches fut que tous les animaux ont la faculté de résister à la chaleur pendant un certain temps, et que la durée de cette résistance varie avec les espèces. Les petits animaux succombent après un espace de temps assez court à une température de 45 à 50 degrés. Les gros supportent mieux la chaleur. Les animaux à sang froid et les larves d’insectes résistent avec plus d’énergie que les animaux à sang chaud ; l’inverse a lieu pour les insectes à l’état parfait.

Delaroche et Berger étudièrent aussi l’homme à ce point de vue, et reconnurent que l’effet. produit varie avec les individus. Ainsi, de 49 à 58 degrés, l’étuve devint insupportable pour Delaroche lui-même, qui en tomba malade ; Berger en fut à peine fatigué. D’autre part, Berger ne put rester que sept minutes dans un milieu chauffé à 87 degrés, tandis que Blagden y était resté douze minutes. Dans les régions tropicales, la température s’élève fréquemment, pendant le jour, au-dessus de 40 degrés sans inconvénient