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Le travail mécanique exécuté par l’animal est très complexe. Indépendamment des mouvemens musculaires visibles, il y a tous les déplacemens des organes intérieurs, la translation continuelle du sang, les contractions et dilatations d’un grand nombre de parties. Or ces actions ne sont possibles qu’autant que les phénomènes respiratoires s’accomplissent dans la région active. Empêchons le sang artériel d’arriver dans un muscle, c’est-à-dire les combustions de s’y opérer et par suite la chaleur de s’y produire, et, bien que la structure de cet organe n’en souffre aucune atteinte, il perd le pouvoir de se contracter. Comprimons seulement l’artère nourricière de ce muscle de façon à y ralentir le flux sanguin, et l’organe se refroidira en perdant de sa force. Les travaux de M. Hirn et de M. Béclard ont établi nettement les rapports entre la chaleur et le mouvement musculaire. Des expériences plus récentes de M. Onimus ont fixé, avec non moins de précision, la thermodynamique des mouvemens circulatoires[1].

Nous avons dit que le pouvoir thermogène des alimens sera d’autant plus considérable que ceux-ci renfermeront une plus grande quantité d’élémens exigeant pour être brûlés une forte proportion d’oxygène. C’est pour cela que la viande et les graisses réparent bien plus vite les pertes de l’économie que les matières végétales. Ces dernières conviennent aux habitans des pays chauds qui n’ont pas besoin de produire de chaleur, puisque l’atmosphère leur en fournit suffisamment. Les habitans des régions froides, dont au contraire la calorification doit être aussi constante qu’énergique, sont poussés instinctivement à l’usage des viandes et des graisses, dont la combustion donne beaucoup de chaleur. C’est une nécessité physiologique pour les Lapons, par exemple, de se nourrir de l’huile des cétacés, comme c’en est une aussi pour les hommes des tropiques de ne consommer que des alimens très légers. L’activité des combustions respiratoires et la nature de l’alimentation changent ainsi avec les climats, de façon qu’il y ait toujours une certaine proportionnalité entre l’état thermique du milieu ambiant et celui du foyer animal. Semblablement, dans un même climat, les individus qui font une grande dépense de travail mécanique doivent manger plus que ceux qui effectuent peu de mouvement. Ce fait, d’observation très ancienne, reçoit aujourd’hui la démonstration la plus nette et la plus claire. Cependant on n’en tient peut-être pas encore assez de compte dans l’économie de l’alimentation publique. Des exemples nombreux établissent quel profit il y aurait pour l’industrie à augmenter par tous les moyens possibles la quantité de viande dans

  1. Voir son livre intitulé De la théorie mécanique de la chaleur dans ses rapports avec les phénomènes de la vie, 1867.