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grands sentimens dans l’aristocratie germanique. Il garantit du danger des minorités, des régences, et fit passer Philippe de Souabe, qui gouverna sagement, avant son neveu Frédéric encore enfant, qui n’eût gouverné qu’étourdiment ou par une mère étrangère, inconnue à l’Allemagne. En pratique, il se réduisait au choix d’une race souveraine, et dans le sein de cette race il maintenait le respect du droit des citoyens et de l’intérêt général. Le pays n’aliénait pas sa souveraineté, il demeurait le maître par une voie régulière, et cependant malgré ce frein puissant l’Allemagne eut plus à combattre les abus du pouvoir impérial que les désordres de l’élection. Rien n’a été plus national en Allemagne, surtout au moyen âge, que l’élection impériale[1]. Chaque race régnante a pu multiplier les efforts pour obtenir le rétablissement de l’hérédité ; l’indépendance allemande a triomphé de toutes les intrigues, et l’esprit public a opposé une résistance inflexible à l’abdication de sa souveraineté reconquise. Les Hohenstaufen y ont échoué ; Rodolphe lui-même, le paternel Rodolphe, malgré le respect universel qu’il inspirait et les services immenses qu’il avait rendus à l’Allemagne, n’a pu faire élire son fils Albert roi des Romains, et la jalousie nationale lui a opposé et préféré un candidat médiocre, Adolphe de Nassau, qui a perdu plus tard la couronne et la vie dans une lutte terrible avec Albert. L’esprit allemand a dû à son Système électoral le développement d’une grande activité politique, qui s’est rejetée au XVIe siècle sur la controverse religieuse. Le droit électoral a été exercé d’abord par l’universalité des hommes libres portant les armes, puis le suffrage universel est devenu suffrage restreint, les princes et dignitaires ayant été considérés comme les représentans et mandataires des hommes libres de leurs comtés, c’est-à-dire comme les organes autorisés de l’opinion publique[2]. Enfin, au XIIIe siècle, l’usage, appuyé de hautes approbations, concentra le droit d’élection sur sept états et sept princes, quatre laïques et trois d’église, plus tard portés à neuf, dont les suffrages, conservant leur caractère territorial, pouvaient être cumulés dans une même maison, comme on le vit dans celle de Wittelspach, qui posséda tout à la fois l’électorat palatin et l’électorat de Bavière[3]. Ce suffrage électoral pouvait même être fractionné ou alterné[4].

Ce ne fut point du reste au gré des caprices que s’exerça le droit d’élection impériale après l’extinction de la famille de Charlemagne.

  1. Voyez le texte curieux d’un chroniqueur, dans Böhmer, Fontes rer. germ., t. III, p. 21.
  2. Voyez Menken en ses Rez. germ. auct., préf. du t. III, n° IX.
  3. Voyez Puffendorff, ouvrage cité, p. 192 et suiv.
  4. Voyez Wegelin, Thesaur., II, p. 250.