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la maison de Savoie. Il a été le dernier gouvernement de l’Europe qui ait reconnu la royauté d’Italie et lui ait envoyé ambassadeur. Son attitude hostile a décidé l’empereur Napoléon III à faire la paix de Villafranca. Si ce n’eût été sa haine contre l’Autriche, la Prusse aurait montré par des actes publics son aversion pour la révolution italienne. Il n’en a pas été de même de l’esprit révolutionnaire allemand ; il a été mis en branle par le spectacle des événemens accomplis en Italie, il a cherché un Cavour, un roi de Piémont, et l’un et l’autre lui ont été donnés. Les antécédens du roi Guillaume ne l’auraient pas fait croire. Légitimiste prononcé, il avait, comme nous l’avons dit, énergiquement combattu les tentatives de révolution allemande en 1848 ; le parti militaire le comptait parmi ses soutiens, et son ressentiment des humiliations infligées à la Prusse à Olmutz était bien connu. Son esprit chevaleresque avait été révolté des spoliations italiennes ; il avait accueilli avec une répulsion marquée, n’étant encore que régent, des ouvertures qui lui avaient été faites pour la piémontisation de l’Allemagne. Il avait hautement proclamé ses principes légitimistes dans la solennité de son couronnement à Kœnigsberg, et n’avait pas tardé à se brouiller avec la chambre prussienne des députés au sujet du budget militaire ; mais la tentative d’assassinat commise contre lui à Bade par un fanatique unitaire a été le point de départ d’un changement dans l’ordre de ses idées. M. de Bismarck a fait le reste, après avoir passé trois mois comme ministre de Prusse à Paris, où des insinuations non accueillies à Bade ont été reprises, élaborées, converties probablement en engagement secret, pour aboutir à la mystification de la France, à l’exploitation de la passion unitaire de l’Allemagne, et à la dérivation de l’entraînement révolutionnaire au profit de la restauration zollérienne de l’empire germanique.

L’Allemagne invoque ici son droit d’indépendance et de souveraineté. En droit absolu, il est certain que les états dont elle est composée avaient la liberté de s’allier plus étroitement et de constituer une puissante unité. Selon le droit des gens conventionnel et positif de l’Europe civilisée, cette constitution unitaire était regrettable, en tant qu’elle menaçait la sûreté des peuples voisins. L’intérêt de l’association européenne a fait admettre non-seulement la prohibition des conquêtes et agrandissemens irréguliers, mais encore l’établissement et le maintien d’un certain équilibre de forces politiques. Les états civilisés sont convenus de faire le sacrifice de leur liberté naturelle à cet égard pour obtenir et sauvegarder le plus grand bien de la civilisation, qui est la sûreté générale et le maintien de la paix. De même que, dans la police intérieure de chaque état, le citoyen probe et paisible d’ailleurs n’a pas la liberté du port d’aimés et de la fortification particulière de sa