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toujours souriant et cette main toujours ouverte. Du mois de février au mois de juin 1846, il livra vingt combats avec des issues diverses, vit tomber à ses côtés ses plus chers compagnons, et cependant ne désespéra jamais. Des renforts enfin arrivèrent. Les opérations furent poussées avec une nouvelle vigueur, et Papeïti, délivré d’un humiliant blocus, ne songea plus qu’à faire payer aux ennemis les inquiétudes auxquelles pendant si longtemps leurs attaques incessantes l’avaient tenu en proie.


IV

Les pertes que les insurgés avaient éprouvées dans cette seconde guerre étaient considérables. Le gouverneur ne se dissimulait pas néanmoins que, tant que ses expéditions ne ressembleraient qu’à des sorties, il ne pourrait espérer de soumission générale. Les trois vallées qui avaient servi de refuge aux insurgés se prolongent par des rameaux très étroits et souvent coupés par des contre-forts jusqu’au centre de l’île. Là elles aboutissent à un vaste plateau, cratère éteint, d’où partent en s’épanouissant les diverses chaînes de montagnes qui vont mourir à la mer. Ces trois vallées, fermées à leur débouché, peuvent donc communiquer encore par le plateau où elles prennent leur commune origine. Nous nous y étions engagés et les avions parcourues dans une certaine longueur, mais bientôt nos colonnes étaient arrivées à des gorges tellement resserrées, à des flancs tellement abrupts, que les fortifications qui y avaient été trouvées établies furent, de l’avis de tous, jugées inexpugnables. Le gouverneur dut renoncer à y forcer les insurges, et il lui fallut chercher un moyen moins dangereux de les réduire. Il forma un certain nombre de colonnes mobiles, et les chargea de parcourir constamment le littoral, afin d’empêcher l’ennemi de venir y chercher le fruit de l’arbre à pain, la patate, le taro, le poisson, l’eau de mer presque indispensable aux Indiens. Le 8 août 1846, le gouverneur résumait en ces termes la situation : « Par suite des travaux que j’ai entrepris, les insurgés se trouvent maintenant refoulés dans les vallées inaccessibles de Papenoo et de Punarou. Ils en sortent quelquefois pour faire des vivres, gravissant des montagnes fort escarpées, obligés en plusieurs endroits de s’aider de cordes pour les franchir et allongeant considérablement le chemin qu’ils ont à faire ; ces sorties ne peuvent intercepter la circulation des détachemens de 10 hommes à l’est de la ville, des patrouilles de 50 hommes entre Papeïti et Punavia. »

Dégagés sur deux de leurs faces, nos établissemens n’étaient plus tenus en échec que par les Indiens restés maîtres de la vallée de Fatahua. De cette vallée centrale, on pouvait arriver à Papeïti en