d’un droit constitutionnel, dans l’intérêt de la paix publique, l’usage le plus prudent et le plus indiqué. Tout est à craindre du parti purement clérical qui s’élève, car il n’est pas un parti conservateur, quoiqu’il prenne ce nom. Un parti qui place au-dessus de l’intérêt national une cause qui lui semble plus sacrée, soit la république, soit l’église, est un danger pour l’ordre social, car il n’hésite pas à renverser les institutions établies pour atteindre son but. Je vois avec regret disparaître les deux partis modérés, tous deux amis de la liberté, qui s’étaient entendus pour donner à la Belgique en 1830 une des meilleures constitutions que l’on ait encore trouvées, et ce n’est pas sans effroi que j’aperçois s’avançant à leur place deux partis extrêmes et irréconciliables.
Ce n’est point en Belgique seulement qu’aura lieu ce redoutable conflit ; partout où l’on tentera d’asservir la société civile à l’omnipotence du clergé et du pape, cette entreprise soulèvera une résistance désespérée ; mais c’est en Belgique que cette lutte éclatera d’abord et avec le plus d’acharnement, parce qu’elle sort de l’histoire même du pays, et que le parti ultramontain y est plus près de toucher à la réalisation de ses desseins. La royauté constitutionnelle aura-t-elle assez de force, d’habileté, de fermeté, pour empêcher que des mesures extrêmes ne provoquent des résistances révolutionnaires, et pour maintenir le pouvoir aux mains d’hommes sages préférant le salut de leur patrie à l’accomplissement des volontés de l’église ? La façon dont le roi Léopold II est parvenu à dénouer la crise récente peut donner l’espoir que la Belgique ne verra pas de sitôt se lever le jour des grandes épreuves et des combats décisifs.
EMILE DE LAVELEYE.