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l’enseignement tout entier sera soumis à l’église et deviendra l’organe des doctrines du Syllabus.

Le parti libéral de son côté a un grand avantage : il répond aux besoins de liberté qui agitent notre époque, et il a pour alliée la science. Néanmoins, sans une réforme religieuse affranchissant les consciences du joug de Rome, il aboutit à une contradiction qui lui communique une irrémédiable faiblesse. Cette fièvre d’irréligion qui s’était emparée des esprits à la fin du XVIIIe siècle s’est calmée. Le libéral ne pense plus, comme Helvétius ou d’Holbach, qu’un peuple doit vivre sans religion. S’il le disait, il perdrait tout crédit. Donc, pour l’enfant, pour le peuple, pour l’école, il est obligé d’admettre l’intervention du culte ; mais les ministres de ce culte dont il admet la nécessité sont précisément ses adversaires politiques. Ainsi d’une part il appelle le prêtre, et d’autre part il l’attaque avec toute l’énergie et toutes les armes dont il dispose. Quelle force peut sortir d’une situation aussi fausse, aussi contradictoire ? Le libéral a beau dire qu’il respecte la religion et qu’il n’a qu’un but, sauvegarder l’indépendance du pouvoir civil contre les empiétemens du clergé ; la thèse est juste, mais les conséquences fâcheuses de sa fausse situation ne s’en font pas moins sentir.

Il en résulte d’abord que l’atmosphère de la famille n’est pas religieuse. Le père fait pratiquer à ses enfans un culte qu’il croit faux, funeste même, et ainsi la jeunesse entend attaquer sans relâche ces prêtres aux mains desquels pourtant on la remet. Enfin le libéral termine ordinairement sa carrière par une cérémonie religieuse dont il n’admet plus l’efficacité. Est-il possible que des croyances fermes, des caractères fortement trempés, se forment au milieu de cette suite continuelle de faiblesses, de compromis, de contradictions et d’hypocrisies ? Voltaire communiait pour édifier les paysans, et puis, à huis-clos, riait de sa communion et de lui-même ; Jean Huss se laissait brûler pour ne pas mentir à sa conscience. L’exemple du premier affaiblit les âmes, l’exemple du second les trempe pour la vie et pour la mort. Soyons bien persuadés de ceci : l’homme qui croit et qui est prêt à combattre et à se sacrifier pour sa foi finira par l’emporter sur celui qui trouve très spirituel de ne croire à rien et de se moquer de tout.

En Belgique, un parti s’est formé qui veut sortir de l’impasse où est engagé le libéralisme modéré ou « doctrinaire ; » c’est le parti de « la libre pensée. » Secte philosophique encore plus que parti politique, ses adhérens disent : Puisque le catholicisme veut anéantir les libertés modernes et surtout la liberté de conscience, et qu’il avoue ses desseins, le seul moyen de conserver ces libertés est de rompre définitivement avec le culte catholique. Ils s’engagent par