Il y a quelques jours, l’attention de l’Europe était tout à coup appelée sur Bruxelles. La Belgique, qui mène d’ordinaire cette existence calme et heureuse des peuples qui n’ont pas d’histoire, était en proie à une agitation profonde dont la gravité augmentait de jour en jour. Des foules tumultueuses remplissaient les rues de la capitale ; elles poursuivaient de leurs clameurs les membres de la majorité sortant de la chambre des représentans, elles criaient : « A bas le ministère ! à bas les voleurs ! » Devant le palais du souverain, elles ajoutaient, il est vrai : « Vive le roi ! » mais elles n’en oubliaient pas moins le respect dû dans un pays libre à l’indépendance de la représentation nationale et à la dignité du pouvoir exécutif.
A l’étranger, on crut que la Belgique se trouvait à la veille d’une de ces crises redoutables qui se terminent par une révolution ou par un coup d’état. Les amis du régime parlementaire s’affligeaient de le voir ébranlé dans un pays où ils le croyaient définitivement assis, consacré par une pratique toujours heureuse de quarante années. Les ennemis de la liberté s’empressaient d’y chercher un argument en faveur du despotisme. L’assemblée de Versailles y vit même une raison, affirme-t-on, pour ne point retourner à Paris. Heureusement toutes ces alarmes ne se sont pas trouvées justifiées. Les ministres qui avaient provoqué cette violente opposition se sont retirés ; d’autres hommes politiques de la même opinion ont pris leur place. L’agitation s’est apaisée comme par enchantement, et la Belgique est