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c’est celle où il est question des trois filles à marier et de leurs prétendans ; la seconde est de 1704, année de la création du marquisat ; il y en a une seule pour 1705, quatre ou cinq en 1706, une à la date de 1709. L’ensemble pour ces dix années ne va pas à cent pages, et forme à peine la vingtième partie de la correspondance entière : non que les nouvelles fassent défaut, c’est le métier de nouvelliste qui n’est alors ni agréable ni sans péril. Nous remarquons dans la stérilité de ce début les très courts bulletins de nos principales défaites, une relation plus ample de la journée de Ramillîes, un mot significatif sur le jeu du roi à Marly en 1707 : « le roi joue au trente et quarante aux pièces de vingt sous. » Dès cette époque, la marquise a des correspondans de toute condition et d’un mérite fort inégal ; l’un, qui signe Morin, lui décrit avec vivacité l’état de langueur et d’abattement où est tombée la société parisienne pendant la triste année 1709 : « Ici point d’événemens qui vaillent la peine d’être ramassés ; je m’en rapporte à M. l’abbé votre frère, qui roule continuellement dans le monde, et qui ne sait rien. Point de morts, point de mariages, point d’intrigues galantes, ou, s’il en est, elles se font sourdement ; toute la pauvre nature paraît dans une inaction étonnante. » Il finit cependant par promettre de conter des nouvelles « tant qu’il y en aura dans son contoir, » et d’envoyer tous les huit jours « une petite gazette de son bureau ; » mais le « contoir » s’épuisa vite, et le bureau manqua de parole. Une des rares lettres écrites en 1710 pour dégager la promesse de 1709 nous présente l’agréable tableau de la famille Caumartin, réunie par un beau jour d’automne aux Bergeries, terre qui appartenait à l’aîné, Caumartin de Saint-Ange. « Un petit voyage des Bergeries a retardé de quelques jours cette gazette. La cour de Mme de Caumartin y était assez nombreuse. Les personnes les plus importantes étaient M. et Mme d’Argenson avec leurs enfans, Mme de Thuisy (une sœur de la marquise, la troisième des filles à marier dans la lettre de 1692), M. l’abbé (le futur évêque de Blois), M. le chevalier, MM. les abbés de Châtelain et de Frontières… On s’y promène jusqu’à extinction. On y joue par-ci par-là ; on y raisonne tant et plus sur les affaires du temps, et, quand on n’a rien de mieux à faire, on y relit les observations journalières de M. l’abbé Châtelain, où l’on voit les portraits, les anecdotes, les beaux dits et faits de tous ceux qui vont et viennent, avec un détail exact de leurs ajustemens et de leurs équipages… » Heureuse famille ! elle avait même, dans la personne d’un abbé plaisant et satirique, son La Bruyère. Un autre correspondant, du nom de Moret, se distingue par une orthographe qui prouve que notre marquise, avide d’informations, était peu dédaigneuse, et, s’accommodant aux circonstances, recevait de toutes mains ; on nous permettra d’en citer, à la date de