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cheval de louage ; il alla toute la nuit, et le lendemain arriva aux portes de Liège, où il instrumenta au nom du roi son maître, tandis que 2,000 hommes des troupes de Wesel mettaient la ville de Liège à contribution. Cette belle expédition avait pour prétexte quelques droits que le roi prétendait sur un faubourg. Il me chargea même de travailler à un manifeste, et j’en fis un, tant bon que mauvais, ne doutant pas qu’un roi, avec qui je soupais, et qui m’appelait son ami, ne dût avoir toujours raison. L’affaire s’accommoda bientôt moyennant 1 million de ducats. » Telle fut la petite entrée de Frédéric II sur la scène politique. La mort de l’empereur Charles VI lui donna bientôt l’occasion de se montrer avec éclat sur un plus grand théâtre.

Malgré les pas de géant qu’avaient faits les margraves zollériens et les premiers rois de Prusse dans la formation d’un état indépendant, la monarchie nouvelle était encore une sorte d’hermaphrodite qui tenait moins de la royauté que de l’électorat. Il y avait quelque gloire à fixer la nature de cet être politique. C’est ce qu’entreprit Frédéric II. L’empereur Charles VI laissait vacante la couronne impériale, dont il avait voulu, pendant sa vie, assurer la transmission à sa fille unique, Marie-Thérèse, épouse de François de Lorraine, grand-duc de Toscane. Tel avait été l’objet de la fameuse pragmatique sanction qu’il avait successivement présentée depuis vingt ans à l’adhésion de tous les états de l’Europe, et que le corps germanique avait ratifiée à la diète de Ratisbonne de 1732 ; mais à peine l’empereur était dans la tombe, que déjà son héritage était disputé comme une proie par des compétiteurs. C’étaient diverses maisons princières d’Allemagne, celles de Bavière et de Brandebourg entre autres, qui prétendaient avoir droit à des retraits féodaux sur diverses provinces d’Autriche et de Silésie. Les prétendans avaient tourné les yeux vers la France et l’Angleterre avant d’engager un conflit avec la reine de Hongrie, qu’on croyait hors d’état de résister à une agression, et qui ne s’y attendait pas. L’Angleterre ne se prononça pas tout de suite ; mais du cabinet de Versailles, malgré la résistance du cardinal de Fleury et sous l’influence de MM. de Bellisle, ardens promoteurs d’une nouvelle croisade, hors de saison cette fois, contre la maison d’Autriche, partit l’approbation du démembrement de l’héritage des Habsbourg. Telle fut l’occasion de la guerre de la succession d’Autriche, commencée par Frédéric II, qui en décembre 1740, avec cette armée toujours prête que lui léguait son père, fondit comme la foudre sur la Silésie, et l’enleva d’un tour de main à la fille de cet empereur qui, dix ans auparavant, lui avait sauvé la vie. En partant de Berlin, il avait dit à l’ambassadeur de France : « Je vais, je crois, jouer votre jeu. Si les