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princière du saint-empire. Frédéric eût voulu mieux encore peut-être ; de là quelques nuages entre les Habsbourg et lui, qui ne se piqua point d’une héroïque fidélité envers la famille de Rodolphe dans sa compétition avec Adolphe de Nassau.

La puissance nouvelle des burgraves altéra leurs rapports avec les marchands ombrageux de leur ville industrieuse ; les uns devinrent moins aimables et plus âpres au profit, les autres moins respectueux, plus amers dans leur regret. Des collisions naquirent, et en 1376 les bourgeois, enhardis par l’absence de leur seigneur, ayant enfermé son château dans une enceinte qui le séparait complètement de la cité, furent condamnés à lui payer une forte amende en réparation de cet outrage. Les burgraves de leur côté furent contraints après une lutte prolongée à un divorce devenu inévitable avec la ville insoumise. Il se présenta heureusement pour eux l’occasion d’une compensation avantageuse. C’était la maison de Luxembourg qui occupait le trône impérial d’Allemagne. Les prodigalités de cette grande famille sont connues et célèbres dans l’histoire. L’empereur Sigismond était en même temps en possession du margraviat de Brandebourg, et les burgraves, devenus fort riches à Nuremberg, lui prêtèrent de l’argent. « Il nomma, disent les bénédictins de l’Art de vérifier les dates, gouverneur du Brandebourg Frédéric, burgrave de Nuremberg[1]. C’était un de ses créanciers, qui lui avait prêté des sommes considérables, pour la sûreté desquelles ce gouvernement devait lui rester jusqu’au remboursement. C’était une espèce d’aliénation, dont Sigismond n’excepta que la dignité électorale et ses fonctions. » Frédéric, étant allé prendre possession en 1412, éprouva des oppositions et des résistances contre lesquelles il lui fallut batailler. Il parvint à les surmonter, et en 1415 Sigismond lui vendit complètement le margraviat par acte nouveau pour la somme de 400,000 ducats, dont il avait déjà reçu une grande partie. Sigismond se réserva seulement la faculté du retrait à perpétuité pour ses hoirs mâles et ceux de Wenceslas, son frère.

Voilà donc comment la maison de Zollern acquit le Brandebourg, dont elle fit désormais le siège de sa puissance, en conservant toutefois les fiefs divers qui, en dehors de Nuremberg, composaient le haut et bas burgraviat dont nous avons parlé. Elle trouva dans ses nouveaux domaines une population inférieure à demi sauvage, récemment convertie au christianisme, mais fort dure à la fatigue et

  1. Tome III, p. 525, de l’édition de 1787.