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la métropole fait les frais, la vente des terres réservée à la couronne, voilà les conditions d’existence de cette province à laquelle il ne manque qu’un plus grand nombre de citoyens pour devenir aussi prospère que le cap de Bonne-Espérance ou l’Australie.

Les autres possessions anglaises dans les Indes occidentales sont, de même que la Jamaïque, le fruit de l’ancienne politique coloniale, qui croyait s’enrichir en s’attribuant, après chaque guerre heureuse, les colonies appartenant aux vaincus. Quel profit retire la Grande-Bretagne de l’archipel des Bahamas, dont les habitans, autrefois pirates ou boucaniers, vivent principalement aujourd’hui en dépeçant les navires échoués sur leurs côtes ? A quoi sert-il, avec le libre régime commercial de notre époque, d’avoir en sa dépendance des îles telles que Montserrat, Tabago, Nevis, où l’émancipation des noirs a privé les Européens de leurs ouvriers sans éteindre la haine des nègres contre leurs anciens maîtres ? On a prétendu que ces petites Antilles sont des fermes tropicales qui approvisionnent la mère-patrie de sucre, de tabac et de café ; mais elles ne suffisent même pas à leurs dépenses locales. Veut-on par un exemple avoir idée de ce que sont les petits gouvernemens dans ces parages ? Tortola, qui faillit être submergée en entier dans un ouragan à l’automne de 1867, a 6,000 habitans, un revenu de 50,000 francs par an, un mouvement commercial de 200,000 francs. C’est la résidence d’un gros fonctionnaire qui reçoit un salaire annuel de 20,000 francs avec le titre de président ; on voit figurer sur son budget une somme de 900 francs pour dépenses militaires et une autre somme de 1,100 francs pour travaux publics. En 1865, grâce à un don magnifique de 15,000 francs accordé par le gouvernement impérial, on a pu construire un palais de justice, et cependant toutes ces îles, depuis la moindre jusqu’à la plus grande, possédaient des gouvernemens indépendans avec une ou deux chambres législatives. Ce n’étaient, à vrai dire, que de petites oligarchies où la masse de la population était opprimée par quelques individus. La tendance actuelle du cabinet britannique est de les réunir en quelques groupes plus importans, de façon à donner plus de consistance à leurs gouvernemens, à supprimer les petits emplois trop nombreux et trop peu lucratifs, à rendre plus de dignité aux fonctions publiques et à la magistrature ; mais en même temps il reconnaît que les élémens du régime parlementaire y font défaut, et il donne au gouverneur, comme à la Jamaïque, des pouvoirs presque absolus. Il est douteux que les Antilles britanniques redeviennent réellement prospères tant que leur population sera surtout composée de nègres et de mulâtres. Les planteurs s’efforcent d’y attirer les coulies de l’Hindoustan, de la Chine et de Ceylan. Quoique bons travailleurs sans contredit, ces hommes sont