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l’élément démocratique, les deux chambres, issues du suffrage universel, n’ont qu’une durée de trois ans. L’Australie du sud, pays agricole, n’accorde la franchise électorale qu’après trois ans de résidence. Un détail curieux de ces diverses constitutions est d’y voir adopter partout le vote au scrutin secret, que l’Angleterre n’a pas encore accepté chez elle. Dans chaque état, le pouvoir exécutif appartient à des ministres, au nombre de six à dix, responsables devant les chambres, sous la conduite du gouverneur-général, qui est la seule émanation de l’autorité impériale. Il ne paraît pas que le droit de veto réservé à la reine et en dernier ressort au parlement britannique soit fréquemment exercé.

En même temps qu’elles recouvraient le droit de se gouverner, de régler leur budget et de disposer à leur gré des terres vacantes, ces colonies s’engageaient à ne plus rien coûter à la métropole, et même à se défendre elles-mêmes contre les ennemis intérieurs ou extérieurs. Si elles voulaient une garnison britannique, cela leur était permis, pourvu qu’elles en payassent les frais, fixés une fois pour toutes à 40 liv. sterl. par an et par fantassin, et à 70 liv. sterl. par artilleur. Elles n’abusèrent pas de cette permission, qui leur coûtait trop cher ; la province de la Terre-de-la-Reine conservait en 1869 une compagnie d’infanterie, et celle de Victoria en avait cinq, que depuis elle a congédiées. Ce n’est pas à dire néanmoins que l’Australie soit dépourvue de forces armées. Elle a d’abord une gendarmerie bien organisée et bien payée, puis quelques pelotons d’artilleurs volontaires recrutés avec le plus grand soin, enfin de nombreux bataillons de miliciens que l’on exerce aux manœuvres par escouades à de fréquens intervalles, et que l’on réunit en corps, dans chaque province, une fois par an pendant huit jours. Les moyens employés pour remplir les cadres n’ont guère d’analogie avec les lois de recrutement de la vieille Europe. Après deux ans d’immatriculation, un volontaire apte au service est exempt du jury ; après cinq ans, il reçoit une concession gratuite de 50 arpens. Cette organisation, qui est presque complète dans la province de Victoria et dans la Nouvelle-Galles du Sud, laisse encore, il est vrai, quelque chose à désirer dans les états voisins, qui sont moins prospères. En somme, l’Australie possède quelques milliers de soldats présens sous les drapeaux ; elle a des cadres pour 40,000 volontaires, qui se lèveraient avec empressement devant le danger d’une invasion. Melbourne et Sydney, qui sont les points les plus vulnérables, ont été fortifiés avec soin. Que l’on songe aux prodigieux arméniens qu’exigerait de la part d’une puissance européenne l’expédition aux antipodes d’une force suffisante pour triompher en de telles conditions ! L’Australie se croit donc à l’abri de l’invasion dans le cas où la Grande-Bretagne serait en guerre contre une