cette vie terrestre, à des luttes énergiques, et il leur promettait une vie meilleure après la mort. Suivant les récits de l’Edda, bientôt après l’incendie du monde amené par la victoire des géans sur les Ases, « la Vala ou prophétesse voit la terre admirablement verte sortir une fois, encore du sein des eaux. Les cascades se précipitent, l’aigle plane ou guette le poisson du haut des rochers. Les Ases de nouveau se réunissent ; ils parlent des runes antiques, de la poussière puissante du passé. La terre, délivrée de tout mal, porte des moissons non semées. Balder renaît ; un palais s’élève, plus beau que le soleil, et où vivront dans un bonheur perpétuel les vertueuses générations. » Ainsi une vie singulièrement active de ce côté de la tombe, de grandes espérances au-delà, c’était de quoi préparer ces peuples à la civilisation moderne et au christianisme.
Le second point sur lequel nous instruirions Tacite, c’est la question de l’origine et de la descendance des Germains. Il serait étonné et quelque peu scandalisé sans doute d’apprendre leur primitive parenté et leur communauté d’antiques croyances religieuses avec les Romains et les Grecs. Nous l’instruirions imparfaitement encore sur les routes qu’ils ont suivies, sur les destinées qu’ils se sont faites depuis qu’ils se sont détachés du tronc commun. Tandis que les peuples du monde classique, avec plusieurs des nations que plus tard ils devaient subjuguer, Celtes, Italiques, Ibères, s’emparaient de l’Europe centrale et méridionale, et y déployaient un magnifique essor dont les principales directions nous sont connues, que devenaient ces groupes innombrables de barbares jusqu’au jour où, annoncés à peine par le coup de tonnerre que détourna Marius, ils se dressèrent soudain à l’est et au nord de l’Europe contre Rome ? Ils avaient suivi de tout autres chemins, et, pendant une longue migration mêlée d’étapes inconnues, leurs conceptions, d’abord analogues à celles de leurs frères d’origine, avaient pris un tour particulier dont Tacite, au moment de la première rencontre, nous est le premier témoin. Si notre science actuelle en est réduite à n’espérer qu’à peine de pouvoir percer un jour de si profondes ténèbres, elle peut du moins démontrer, comme on l’a vu, l’origine indo-européenne de ces populations germaniques, et leurs liens primitifs avec les nations qui ont joué dans les temps classiques le plus grand rôle sur la scène occidentale.
A. GEFFROY.