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d’étables, si l’on veut avoir un lait abondant et fort, on frotte le pis de la vache avec un de ces silex que la croyance populaire a si longtemps regardés comme des éclats de la foudre. Les sorcières du moyen âge faisaient mine de traire un manche de hache (allusion évidente au marteau de Thor), et aussitôt, nous dit-on, la pluie ou la grêle tombait des nuages. Enfin l’historien des superstitions en France au XVIIe siècle, le théologien Thiers, se croit encore obligé de proscrire celle qui consiste à enfouir une hache sous le seuil d’une étable, ou bien à y suspendre des briques en croix pour empêcher que les vaches ne soient l’objet de quelque maléfice et que leur lait ne tarisse. — Thor et Indra portent tous deux une ceinture merveilleuse. Indra vole sur un char que traînent deux pâles coursiers : les coursiers sont l’éclair, et le char le nuage. Thor a, lui aussi, un char dont le roulement produit le tonnerre : deux béliers y sont attelés, et l’on démontre que ces béliers sont les symboles du nuage. — La barbe d’Indra est d’or, nouveau symbole peut-être de la foudre ; elle se dresse quand il marche au combat pour reconquérir le trésor caché, et bientôt la pluie tombe sur la terre. Thor a une longue barbe rouge ; elle s’agite quand s’allume sa colère, et le tonnerre retentit. — Indra est le dieu de la vie et du mariage : c’est lui qu’on invoque pour obtenir une nombreuse postérité. Thor aussi bénit ou maudit les unions ; son marteau les consacre. — Indra est protecteur de la famille, non pas seulement comme dieu de la vie, mais aussi comme compagnon d’Agni, qui lui est très souvent adjoint. C’est par Agni qu’a été allumé le feu saint du foyer, d’où rayonne le bonheur domestique. Agni est nommé Sabhya, protecteur de la famille, et Indra est nommé Sadaspati, le maître du foyer, le premier de la famille, deux mots que l’on fait venir de sabhâ, désignation védique de la parenté, de la gens. Thor a le même rôle. C’est lui dont l’éclair a allumé la sainte flamme du foyer, et il en est devenu par là le protecteur. Il n’y a pas lieu de redouter la foudre, disent les traditions populaires, quand le feu brille dans l’âtre. Nul danger surtout si l’on prend soin de ficher au-dessus de la porte une hache, image du marteau de Thor. Les montans du haut siège sur lequel prend place, chez les Scandinaves, le père de famille présentent à leur extrémité supérieure une tête de Thor. Quand la famille émigre et va chercher au loin, sur la terre d’Islande, une nouvelle patrie, on jette ces montans à la mer, afin que Thor lui-même, en les dirigeant sur les flots vers le rivage, indique le lieu de l’établissement futur. La prise de possession du sol jusque-là désert se fait au nom de Thor ; les pierres qui marquent les limites lui sont consacrées.

Le souvenir du phénomène de l’orage primitivement représenté par la lutte entre Indra et Vritra s’est perpétué avec une énergie