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foudre. — Derrière les analogies superficielles et incertaines, la mythologie comparée a su, disions-nous, en découvrir d’essentielles et de profondes. Nous le montrerons tout à l’heure en parlant des rapports qui unissent la mythologie eddique et celle de l’antique Orient.

A côté de Mercure, d’Hercule et de Mars, Tacite croit distinguer chez les Germains la déesse Isis. « Une partie du grand peuple des Suèves offre, suivant lui, des sacrifices à cette divinité. Je ne trouve, ajoute-t-il, ni la cause ni l’origine de ce culte étranger. Seulement la figure d’un vaisseau, qui en est le symbole, annonce qu’il leur est venu d’outre-mer. » Il est clair que l’historien romain pense reconnaître ici la déesse égyptienne dont le culte avait pénétré dans Rome au temps de Sylla. Le symbole du navire se rencontre, à la vérité, de part et d’autre. Apulée, dans un passage infiniment curieux de son Ane d’or, nous a raconté comment, dans l’antiquité classique, à l’époque du lever des Pléiades, c’est-à-dire au début du mois de mars, au moment où la végétation se ranime et où la mer redevient navigable, les prêtres offraient en grande cérémonie à la déesse Isis un vaisseau de fabrication nouvelle, qu’on lançait pour la première fois dans les flots en son honneur. La journée du 5 mars prenait de là dans le calendrier romain le nom de « Vaisseau d’Isis, » Navigium Isidis. Isis n’était pas cependant la seule divinité dans le culte de laquelle apparût l’attribut du navire. Aux grandes fêtes de Minerve, dans l’ancienne Athènes, le péplos de la déesse était solennellement porté, du Céramique au sommet de l’Acropole, suspendu aux mâts d’un vaisseau qu’un mécanisme faisait mouvoir. Jacques Grimm a recueilli les indices de coutumes analogues jusqu’au milieu du moyen âge allemand. Encore dans le premier tiers du XIIe siècle, les chroniques décrivent une fête évidemment païenne d’origine, célébrée malgré les malédictions du clergé dans la région rhénane, et qui consiste à suivre en grande foule, avec des danses et des chants d’allégresse, un navire muni de voile et mâture, auquel des roues sont adaptées, et qui porte, nous dit le chroniqueur, « on ne sait quel malin génie. » A la fin du jour, quand la lune s’élève à l’horizon, les femmes se précipitent demi-vêtues, les cheveux épars, sur le chemin que parcourt le dieu, et, pareilles aux bacchantes, elles multiplient les danses avec une frénétique ardeur jusqu’au milieu de la nuit. Grimm rappelle aussi à ce propos certaines fêtes longtemps subsistantes pendant lesquelles c’est une charrue qui est conduite en grande pompe et suivie d’une nombreuse procession. En Saxe, aux environs de Leipzig, on se souvient encore d’une pareille coutume, avec cette circonstance particulière que les femmes non mariées étaient obligées de traîner la charrue. Dans tous ces exemples, Grimm voit la