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départ ; mais le motif de sa vue partielle, et l’on peut dire de ses lacunes, est précisément le suprême respect que son sujet lui inspire. À l’école de tels livres, les publicistes suédois ont signalé vivement le retard de la législation nationale sur les codes étrangers. On aura beau rappeler le mot de Tacite sur les sentimens germaniques à l’égard de la femme, il est certain que c’est encore notre code civil qui lui assure la meilleure protection. Il n’y a pas dix ans, la femme non mariée demeurait toujours mineure en Suède ; or il faut se rappeler qu’il naît régulièrement chaque année dans ce pays plus de femmes que d’hommes : cette circonstance rend d’autant plus nécessaire une législation permettant à celles qui ne se marient pas de pourvoir elles-mêmes à leur destinée. Ce n’est pourtant qu’à partir du 16 novembre 1863 que la loi a déclaré la femme non mariée majeure à vingt-cinq ans sans l’obligation d’en faire la demande spéciale. Quant à la femme mariée, on a revendiqué en sa faveur aussi une plus grande indépendance pour l’administration de ses biens.

M. Hierta, un des vétérans que vient de perdre la presse libérale, a présenté l’an dernier une motion remarquable sur ce sujet. Après avoir comparé les législations des divers pays civilisés, il a vanté surtout celle de l’état de New-York, dont il a proposé d’adopter sur ce point les prescriptions spéciales, qui datent de 1860 et 1862. Suivant cette loi, les biens-fonds et biens meubles appartenant à la femme mariée par héritage, testament ou donation, ceux qu’elle acquiert par son travail, par son industrie ou ses économies, ceux qu’elle possède au moment de son mariage, les rentes, revenus et produits de tous ces biens, sont et restent, après le mariage, des biens à elle ; ils sont administrés et enregistrés en son nom, sans que le mari ait en rien à s’y mêler, et sans qu’elle ait à répondre pour les dettes du mari, à moins qu’on ne prouve que ces dettes ont été contractées par la faute de la femme, pour son propre entretien ou celui de ses enfans. La femme mariée a de plus le droit d’hypothéquer, de vendre, de transporter ses biens, d’exercer un métier, de faire n’importe quel travail ou service pour son propre compte, et le gain qui en résulte est employé en son nom. Elle peut enfin céder et garantir ses biens, citer et être citée devant les tribunaux soit à l’occasion de sa fortune, soit pour injustices commises à son égard ou à l’égard de ses enfans. — Ces dispositions, empruntées à l’Amérique, ont pu paraître à la diète suédoise trop extrêmes, mais on s’est accordé à presser le gouvernement de faire préparer une loi telle que, par contrat de mariage, la femme pût avoir le droit de gérer elle-même sa fortune personnelle.

Il y aurait bien encore à mentionner au nombre des questions d’un intérêt social qui préoccupent en ce moment la Suède l'agita-