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royaume, en costume de gala, avec timbales et trompettes, et suivi des gardes du corps, allait annoncer sur les différentes places de la ville l’ouverture ou la clôture de la diète. Il y avait une double cérémonie, religieuse d’abord, puis d’apparat, dans la grande salle des états, où paraissait le roi, couronne en tête et sceptre en main, entouré des princes et des grands du royaume. Après le discours royal, le maréchal du royaume, président de la noblesse, et les orateurs des trois autres ordres venaient complimenter le roi et recevaient ses réponses ; puis, la cérémonie publique terminée, chacun des quatre ordres envoyait ses délégués souhaiter la bienvenue aux autres, qui répondaient par de semblables messages. Cela faisait bien en tout une vingtaine de harangues, après quoi il s’en fallait encore que les discussions pussent commencer : il restait à vérifier les pouvoirs, etc. Ce n’étaient là cependant que les moindres inconvéniens. On comprend bien que la représentation par ordres laissait place à de redoutables influences extérieures. « C’est un système très profitable à la couronne, disait franchement Bernadotte. La marche lente et compliquée des opérations offre mille combinaisons diverses dont on profite aisément. Les prêtres sont toujours avec le gouvernement, les paysans ne font guère que ce qu’on leur conseille, on peut obtenir beaucoup des bourgeois en les caressant, et de la sorte on paralyse l’opposition la plus redoutable, celle des nobles, qui au reste ne sont pas difficiles à gagner : seulement il en coûte ! » Bernadotte, en parlant ainsi, faisait peut-être l’enfant terrible et se vantait bien un peu ; cependant il y a du vrai : les réformes qui ne plaisaient pas en haut lieu risquaient de se trouver très longtemps arrêtées, puis abandonnées finalement.

Une autre injustice et un autre danger inhérent au système des quatre ordres, c’était qu’il offrait une fausse expression du pays, car un certain nombre de professions n’y trouvaient nulle place, par exemple les industriels n’habitant pas dans les villes, les avocats, les artistes, etc. Ces iniques exceptions frappaient précisément une partie de la nation en qui se résumaient les énergies les plus vives et les plus conformes au développement de l’esprit moderne. Il était impossible qu’un changement si nécessaire se fît longtemps attendre. On commença par élargir quelques-uns des cadres en y faisant entrer, suivant leurs professions, certains groupes de citoyens ; mais ce n’était là qu’une consécration nouvelle d’un principe vieilli et hors d’usage. Le roi Oscar, qui avait semblé d’abord se prêter sur ce point au vœu public, arrêté plus tard, soit par l’opposition obstinée des nobles et des prêtres, soit par la pensée de retenir encore quelque temps un instrument de pouvoir, avait cessé d’y être franchement favorable. Ce fut donc de la part de Charles XV une résolution généreuse et en apparence très désintéressée, en réalité