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autre chose en effet que de l’os en voie de formation, et toutes les fois que, soit par le moyen du périoste, soit par le moyen d’une irritation, on provoque la régénération d’une certaine quantité d’os, c’est qu’on a d’abord réalisé les conditions propres au développement du cartilage. Ces remarques permettent de comprendre et d’apprécier rapidement la valeur des méthodes chirurgicales fondées sur la connaissance de ces faits.

Les affections des os sont nombreuses. Indépendamment des cas où ils sont directement lésés par des projectiles, ils sont sujets à des inflammations, à des tumeurs, à des caries de toute sorte. Ces affections sont longues, en raison de la lenteur des élaborations vitales dans ces organes, mais elles ne sont pas moins destructives et finissent toujours par déterminer une corruption plus ou moins considérable de la substance de l’os. Il faut alors que les matières fournies par l’os malade soient évacuées ; il faut que les portions mortifiées soient éliminées. Le membre ne tarde pas à se gonfler, à devenir douloureux. Des parties se percent, des suppurations s’établissent, et, si l’art n’intervient point, le patient est conduit à une mort douloureuse par l’épuisement. A tant de maux, la chirurgie oppose de laborieuses opérations. Elle ouvre les foyers profonds, elle débride les tissus, elle donne issue à ce qui doit sortir, elle modifie les surfaces malades ; mais il y a des cas où ni la nature ni l’art ne peuvent plus rien, et où l’os est tellement compromis que l’amputation devient la seule chance de salut pour le malade. C’est dans ces tristes conjonctures que les chirurgiens ont recours aux procédés qui permettent d’obtenir une régénération de l’os détruit par le travail morbide. Le plus utile de ces procédés, dû à M. Sédillot, est l’évidement.

L’opération de l’évidement, telle qu’on la pratique depuis les beaux travaux de M. Sédillot, est en soi très simple. On incise la peau, la chair et le périoste jusqu’à l’os malade ou blessé, et une fois celui-ci mis à découvert, on l’attaque avec la gouge, le ciseau et le maillet. On l’évide, on le creuse de façon à enlever toute la partie malsaine et à respecter toute celle qui n’a pas subi d’altération. Ainsi réduit à ses couches, à ses portions les plus saines, l’os excavé répare peu à peu ses pertes. La matière détruite se régénère, un nouveau tissu osseux remplit les vides pratiqués par la gouge de l’opérateur, et au bout de quelques mois l’organe, qui n’a jamais perdu sa forme, est rétabli dans ses conditions de vitalité ordinaire. Parfois sans doute ce drame, où le chirurgien a aussi, selon la pensée d’Hippocrate, au milieu des souffrances d’autrui ses souffrances particulières, se complique d’une façon imprévue, et des difficultés périlleuses viennent l’assombrir encore ; mais l’art est