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et la connexion physiologique de deux cordons qui, dans l’état ordinaire, n’ont ensemble aucun rapport.

C’est en 1867 que M. Legros découvrit la régénération du cartilage, qui jusqu’alors avait été considérée comme impossible. Il fit ses observations sur des chiens et sur des lapins dont il avait largement sectionné le tissu cartilagineux, et au bout de deux mois environ il observa une régénération complète de ce tissu. C’est le même physiologiste qui a constaté pour la première fois la reproduction du tissu musculaire lisse, c’est-à-dire de celui qui est l’organe des mouvemens involontaires, tels que ceux de l’intestin. Restait à savoir, pour épuiser la liste des tissus organiques, si les fibres musculaires de la vie animale peuvent réparer, au moyen de fibres identiques, les pertes de substance qu’elles ont éprouvées. C’est à quoi M. Dubrueil put répondre affirmativement l’année suivante. Il coupa sur des cochons d’Inde certains muscles par le milieu, et plusieurs mois après il vit, en examinant l’organe, la complète réunion des parties séparées, il reconnut que la solution de continuité était comblée par une production nouvelle de tissu musculaire. — Ainsi tous les tissus de l’économie animale peuvent se régénérer chez l’adulte, et ces régénérations sont des opérations constamment identiques à celles qui ont pour résultat la formation première et le développement des mêmes tissus dans l’embryon ou le jeune animal.

La connaissance des faits de régénération a été, pour la pratiqué de l’art, la source d’inventions et de procédés opératoires plus ou moins remarquables, dont quelques-uns sont encore aujourd’hui à l’étude. Ceux qui concernent la reproduction du tissu osseux ont particulièrement intéressé le public dans ces dernières années. On a su de tout temps que, lorsqu’un os est brisé, la solution de continuité y est comblée, au bout d’un certain temps, par une portion osseuse de nouvelle formation, par une véritable cicatrice osseuse, le cal. Ce n’est que vers le milieu du siècle dernier qu’un physiologiste français, Duhamel, et après lui un médecin napolitain établi à Paris, Troja, examinant de près le phénomène du cal, en découvrirent le mécanisme physiologique. Ils crurent s’apercevoir que le principal agent de l’élaboration osseuse est une gaîne mince et fibreuse, appliquée et adhérant fortement tout autour des os, la membrane qu’on appelle le périoste[1]. Leurs expériences ne furent ni assez multipliées ni assez saisissantes pour révéler aux chirurgiens le parti qu’on pouvait tirer de la connaissance du rôle

  1. Les os peuvent être considérés comme formés de trois couches concentriques, engaînées les unes dans les autres, — à l’intérieur la moelle, puis la substance osseuse proprement dite, laquelle est recouverte par le périoste.