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parmi les recueils du cabinet des estampes, celui-ci avait depuis quelques années déjà son organisation particulière et sa vie propre. Au lieu de ne former, comme par le passé, qu’une section du département des livres imprimés, ou plutôt au lieu de continuer à y être confondus avec ces livres mêmes, les recueils d’estampes, successivement acquis par ordre du roi ou donnés à sa bibliothèque, avaient été dès 1720 isolés de manière à constituer un nouveau département sous la surveillance et l’administration d’un garde spécial[1]. Cette utile réforme, due à l’abbé Bignon, qui venait de remplacer l’abbé de Louvois dans les fonctions de bibliothécaire du roi, n’était d’ailleurs que la conséquence forcée des richesses croissantes de la Bibliothèque et des prescriptions légales qui de plus en plus tendaient à en populariser l’usage. D’une part, les diverses collections étaient devenues trop volumineuses pour que le classement et la garde en pussent rester plus longtemps confiés à un seul homme, si actif et si éclairé qu’il fût ; de l’autre, l’obligation, aux termes d’un arrêt du conseil en date du 11 octobre 1720, « d’ouvrir la Bibliothèque aux savans de toutes les nations, en tout temps, aux jours et aux heures qui seront réglés par le bibliothécaire,… et aux curieux une fois par semaine, » n’aurait pas laissé, avec le maintien du régime primitif, d’introduire le désordre dans le service aussi bien que l’incertitude dans les recherches du public. Pour satisfaire à toutes les exigences et pour sauvegarder tous les intérêts, l’abbé Bignon divisa le travail, multiplia les responsabilités, et fonda l’indépendance de chaque département, tout en conservant l’unité de la direction supérieure. Grâce à lui, une répartition méthodique des trésors accumulés à la Bibliothèque assura la bonne organisation des services, et le cabinet des estampes en particulier fut soumis dès lors à la discipline et aux règles qui devaient, à quelques modifications près, être appliquées jusqu’à nos jours.

Le progrès au surplus ne se borna pas à cette sage distribution des fonctions et des choses. Le nouveau local où l’abbé Bignon obtint, non sans peine, d’établir les collections de la Bibliothèque leur fournit un abri plus digne d’elles que le toit de hasard sous lequel elles avaient été logées jusqu’alors, en même temps que l’espace dont on pouvait disposer laissait toute latitude aux accroissement futurs de chaque série ou, le cas échéant, à la formation de séries nouvelles.

  1. Les quatre catégories établies alors à la Bibliothèque étaient 1° les manuscrits, 2° les livres imprimés, 3° les titres et généalogies, 4° les planches gravées et estampes. Le cabinet des médailles et pierres gravées n’avait pas encore été transféré du palais de Versailles à la Bibliothèque. Il n’y fut définitivement installé que vingt ans plus tard.