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déterminée. On fixe alors celle des points secondaires au moyen de petits triangles qui s’appuient sur les premiers. Ces nouveaux points plus rapprochés les uns des autres servent à en déterminer d’autres encore plus voisins, et enfin à placer les villages, les hameaux, les fermes isolées, dessiner les cours d’eau, indiquer les vallées et les reliefs du sol, achever en un mot la topographie du pays.

Mais la géodésie se propose encore un autre but, sinon plus utile, du moins plus élevé, c’est la connaissance exacte de la figure de la terre. Les anciens savaient déjà qu’elle avait la forme d’une sphère, et ils firent quelques efforts pour en estimer les dimensions. Eratosthène, Possidonius, Ptolémée, nous ont transmis des mesures que la science moderne ne saurait utiliser à cause de l’imperfection des moyens d’observation et de l’incertitude qui plane sur la valeur exacte du stade, unité de mesure itinéraire des anciens. Les modernes comprirent que le problème était complexe : il s’agissait non-seulement de mesurer les dimensions de la terre, mais aussi de s’assurer si elle était une sphère parfaite ou bien un sphéroïde quelconque, allongé ou aplati aux deux pôles. On se demandait encore si la surface de notre planète, en la supposant entièrement couverte par les eaux de la mer, est parfaitement régulière et telle qu’elle doit résulter de la rotation de la terre sur elle-même à l’époque où elle roulait dans l’espace à l’état de globe incandescent semi-fluide, en un mot si sa forme est, comme disent les géomètres, celle d’un sphéroïde de révolution. Fernel, médecin et astronome de Paris, essaya le premier, vers 1550, de mesurer la longueur d’un degré de latitude, c’est-à-dire de la 90e partie de la distance de l’équateur au pôle. Amiens étant, à très peu de chose près, à 1 degré au nord de Paris et presque sous le même méridien, c’est-à-dire sous un demi-grand cercle passant par le pôle et l’observatoire de Paris, — Fernel, adaptant à une roue de sa voiture un mécanisme qui comptait le nombre des tours de cette roue, fit plusieurs fois le trajet de Paris à Amiens, tint compte des sinuosités de la route, et en conclut que le degré mesuré sur la terre entre les deux stations était de 56 746 toises ou 110 600 mètres, nombre très approché de la vérité, car on estime aujourd’hui à 111 120 mètres la valeur moyenne du degré terrestre latitudinal.

L’Académie des Sciences de Paris résolut de reprendre cette question. Elle comprit que la détermination d’un arc de méridien doit s’appuyer sur des triangulations suffisamment prolongées, exécutées sous l’équateur, dans les latitudes moyennes et vers le pôle, afin d’en conclure la figure exacte du sphéroïde terrestre. En posant ces principes, l’Académie inaugurait la géodésie moderne et donnait un exemple suivi depuis par les autres nations civilisées. Picard